Une brise légère souffle sur les pièces d’Ursula Morley-Price à la Galerie de l’Ancienne Poste à Toucy

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Medium White Twist Twist Form. N°6. Ursula Morley-Price, grès, 2014. ©Pilippe Mazières. Document Galerie de l’Ancienne Poste.

Exposition du 8 novembre 2014 au 8 janvier 2015

Toucy, petite ville aux portes de la Puisaye, abrite une galerie qui monte, qui monte…

Dédiée à la céramique contemporaine, la Galerie de l’Ancienne Poste, gérée par une association composée d’artistes céramistes, de collectionneurs et d’amateurs, a ouvert ses portes en 1997. Installée dans un beau bâtiment du XVIIe siècle qui abritait jadis la Poste de Toucy, dont l’architecture mêle inspiration classique et tradition poyaudine, la galerie œuvre à la reconnaissance de la céramique contemporaine comme un art à part entière ! Il faut dire que le terroir local est fertile. Terre argileuse, la Puisaye est depuis longtemps le creuset d’une production céramique intense et reconnue. Dès le XIVe siècle les artisans exploitèrent l’argile gréseuse locale, particulièrement adaptée à la fabrication de poteries culinaires et utilitaires solides, en raison de son étanchéité et de sa résistance à de hautes températures de cuisson. Au XIXe siècle plusieurs manufactures voient le jour, notamment à Saint-Amand, faisant de la Puisaye le centre d’une activité potière intense.

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La Galerie de l’Ancienne Poste sur la Place de la Mairie à Toucy dans l’Yonne. © Gilles Puech. Document Galerie de l’Ancienne Poste.

C’est cette tradition potière que la Galerie de l’Ancienne Poste de Toucy tente de faire revivre en organisant six à sept expositions par an, tout en la hissant au rang mérité de l’art contemporain. Exposant les grands noms internationaux de la céramique contemporaine et dénichant de jeunes talents, la galerie s’est désormais taillé une place de choix dans le monde de l’art contemporain. Par ses actions menées envers les institutions, le public et les médias, elle accompagne le renouveau de la création céramique en marche depuis plusieurs années. Et que cela se passe dans la petite ville de Toucy est plutôt enthousiasmant !

Ursula Morley-Price, une artiste-céramiste de renom

Artiste anglaise née en 1936, Ursula Morley-Price a d’abord été formée à la peinture dans les très prestigieuses Camberwell School of Art et Slade School of Fine Art de Londres. Depuis 1963 elle développe sont travail de céramiste. Oeuvrant désormais dans son atelier des Charentes, elles expose alternativement aux Etats-Unis et en France, où elle est exclusivement représentée par la Galerie de l’Ancienne Poste de Toucy. Ses œuvres ont intégré les collections les plus prestigieuses comme celles du Museum of Modern Art et du Metropolitan Museum de New York, ou encore celles du Musée des Arts Décoratifs et du Musée National de la Céramique de Sèvres, attestant de la reconnaissance internationale de son travail. En 2013, le Musée d’Art Moderne de Troyes lui a consacré sa première rétrospective française !

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Tall Brown Wip Twist Form. N°1. Ursula Morley-Price, grès, 2014. ©Philippe Mazère. Document Galerie de l’Ancienne Poste.

L’oeil et la main

En artiste céramiste accomplie, Ursula Morley-Price maîtrise son art, la céramique, qu’elle aborde dans une véritable démarche artistique, nourrie d’influences diverses. La douzaine d’oeuvres présentées dans l’exposition, dont la plupart sont des créations récentes, témoignent de la recherche de l’artiste sur le matériau, poussé à ses limites. Les pièces de cette série, issues en particulier de sa Large Twist Form qui fit sensation lors de son exposition au Musée de Troyes, sont animées d’un mouvement à double révolution qui donne la sensation qu’elles ondulent dans la brise, telles des corolles prêtes à prendre leur envol. L’artiste travaille ses pièces avec la technique potière la plus ancienne qui soit : le colombin. Montés les uns sur les autres, les colombins lissés et travaillés au doigt donnent naissance à un vase ou pot creux ouvert en son sommet. L’artiste ajoute progressivement sur cette armature de petits colombins qu’elle pince et amincit à l’extrême pour les transformer en de fines et fragiles ailes ondoyantes, aux bords déchiquetés. Touchant aux limites des possibilités du grès, l’artiste confère à ses œuvres une grande sensibilité. Après séchage, les pièces subissent une première cuisson. Le biscuit, ou dégourdi, ainsi obtenu est alors recouvert d’un engobe à base d’émail qui prendra sa couleur après une seconde cuisson à une température d’environ 1200°c. Ursula Morley-Price élabore elle-même ses émaux dans une gamme restreinte allant du blanc crémeux aux bruns ocres, en passant par des bronze tirant sur le vert ou le bleu. Le fini mat de ses pièces à l’aspect rugueux et brut contrebalance leur apparente légèreté.

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Exposition Ursula Morley-Price, Oeuvres récentes. Galerie de l’Ancienne Poste de Toucy.

Des pièces poétiques

Les influences de l’artiste sont diverses. On peut voir dans les pièces exposées l’inspiration des fraises des portraits des XVIe et XVIIe siècles, ou encore des influences marines, des formes de coquillages ou d’algues. Mais l’artiste revendique plus volontiers l’influence des pliages de papier japonais, et notamment des décorations en ruché de papier fin, ces petites cartes qui s’ouvrent en dépliant leurs formes de boules ou de cloches, grâce à du papier finement plié. Mais votre imagination, j’en suis sûre, y verra bien d’autres choses encore. Outre les œuvres d’Ursula Morley-Price, la galerie s’est constitué un fonds de pièces variées. On peut y admirer, entre autre, des céramiques de Gisèle Buthod-Garçon, Robert Deblander, Daniel de Montmollin, Philippe Dubuc, Pierre Martinon, David Miller, Hervé Rousseau et bien d’autres encore…

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La collection de la Galerie de l’Ancienne Poste.

A voir jusqu’au 8 janvier à la Galerie de l’Ancienne Poste à Toucy dans l’Yonne !

De vignes en grappes, égrenons l’histoire du vignoble bourguignon…

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Le vin est une institution en Bourgogne ! Et cela ne date pas d’hier. Retour sur la passionnante histoire du vignoble bourguignon.

Vitis Vinifera

La vigne appartient à la famille des Ampélidacées qui se divise en plusieurs genres et espèces. La principale espèce utilisée pour la fabrication du vin est la Vitis Vinifera. Issue de la vigne sauvage, cette variété fut domestiquée puis utilisée pour la fabrication du vin en Asie dès le VIe millénaire avant Jésus-Christ. Partie du Proche-Orient, la culture de la vigne s’est répandue au sud, à l’est et à l’ouest, mais c’est autour de la Méditerranée qu’elle s’est pleinement épanouie. Elle atteignit la Grèce et la Crète vers 2500 avant notre ère.

En France, la vigne fit son apparition à Massalia, colonie grecque fondée sur l’actuelle Marseille vers 600 avant J.C. Parallèlement, la consommation de vin et les rituels qui l’accompagnent se répandirent en Gaule grâce aux échanges commerciaux avec la Grèce et l’Italie. Le Cratère de Vix est le témoin de la consommation de prestige du vin, le plus souvent importé, qui s’organisa en Bourgogne à cette époque.

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Vase de Vix, cratère en Bronze, vers 530 avant J.C., Musée du Pays Châtillonnais, Châtillon-sur-Seine. © L.Voizeux-musée du pays Châtillonnais-Trésor de Vix.

Le Vase de Vix, un trésor celte lié au vin en Pays Chatillonnais

Ce cratère à volutes en bronze, appelé Vase de Vix, était destiné au stockage du vin, alors consommé mélangé avec de l’eau. Cette pièce majeure de l’archéologie celte a été retrouvée dans la Tombe de la Dame de Vix, datée du début du Ve siècle avant J.C., située sur l’actuelle commune de Vix, en Côte d’Or. Le vase a été fabriqué en Italie du Sud vers 530 avant J.C. La chambre funéraire du tumulus a révélé le corps d’une femme, déposée sur un char, parée de riches bijoux en or et entourée d’un service à boire. La défunte appartenait à une famille princière celte qui tirait probablement sa richesse du contrôle des échanges commerciaux entre la Méditerranée et les Iles Britanniques, et qui transitaient par la Bourgogne. Haut de 1,64 mètres et pesant plus de 200 kilogrammes, le Vase de Vix pouvait contenir 1100 litres de breuvage ! Le cratère est constitué d’une cuve réalisée entièrement par martelage du métal sans aucune soudure. Une véritable prouesse technique ! Le tout est orné d’un riche décor composé de volutes et de deux figures de Gorgone sous les anses. Le couvercle-passoire était destiné à filtrer le vin dans lequel macéraient des épices. La boisson était ensuite servie dans des cruches appelées oenochoés et consommée dans des coupes à deux anses. La consommation du vin en Gaule était alors un luxe rare réservé aux élites.

Vers 400 avant J.C. la migration des Eduens (peuplade gauloise de l’actuelle Bourgogne) en Italie contribua à l’arrivée, dans la région, des premières vignes et du savoir-faire lié à leur culture. Mais ce n’est qu’au Ier siècle de notre ère que la viticulture se répandit en Gaule Intérieure puis en Bourgogne.

Un vignoble d’origine monastique

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Scène de vendanges, enluminure extraite des Heures à l’Usage de Cluny, vers 1500, Bibliothèque Municipale d’Amiens. ©Institut de recherche et d’histoire des textes – CNRS – Droits photocliché IRHT ; droits collectivité, CNRS et MCC

Au Moyen Age, le développement des vins de Bourgogne prit son essor dans le cadre des monastères de Cluny (Saône-et-Loire) dès le Xe siècle et de Cîteaux (Côte-d’or) dès le XIe siècle. Le vin, nécessaire au culte religieux de l’eucharistie, mais aussi à l’hospitalité et aux finances, fut au cœur de la vie des moines qui se constituèrent un véritable domaine viticole par l’agrégation de terres obtenues par des dons. Les moines de Cîteaux exploitèrent le prestigieux domaine du Clos de Vougeot sans interruption du XIIe siècle à la Révolution française ! Ils contribuèrent à répandre la viticulture en Europe par le biais de la fondation de nombreux édifices religieux affiliés.

La diffusion du vin par les Ducs de Bourgogne

Aux XIV et XVe siècles, les Ducs Valois de Bourgogne, de Philippe le Hardi à Charles le Téméraire, diffusèrent le précieux breuvage, particulièrement en Franche-Comté, en Belgique et aux Pays-Bas, et jusqu’à la cour des Papes en Avignon. Marguerite de Flandre, épouse de Philippe le Hardi, créa le domaine de Germolles en pays Chalonnais. Ce fut aussi l’époque de l’épanouissement du Pinot Noir qui accompagnait les banquets gargantuesques des Ducs et de leurs convives, qui pouvaient parfois durer plusieurs jours !

Essor et crise

Le siècle des Lumières fut propice au développement des sciences qui tentèrent de comprendre et de classifier le vivant. L’agronomie se développa et inventa le vocabulaire si poétique de la dégustation. Pendant que les savants cherchaient les raisons pour lesquelles la Bourgogne fournit de si bons vins, contrairement à d’autres régions du monde où l’implantation de vignobles a échoué, les bourgeois aspiraient eux aussi à la propriété viticole, détenue par le Clergé et quelques nobles. La Révolution Française leur donna raison. Les biens du clergé et de la noblesse furent redistribués, le vignoble bourguignon changea de mains et prit un nouveau départ, propice à l’essor de la production et de la consommation des vins de Bourgogne au XIXe siècle.

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Félix-Jules NAIGEON, Les vendanges à Pommard, huile sur toile, fin du 19e siècle, Musée du Vin de Bourgogne, BEAUNE. ©Photo : J.-C. Couval

Modernisation du vignoble bourguignon

La crise du phylloxéra frappa le vignoble bourguignon dès 1875. Ce puceron en provenance d’Amérique tue la vigne qu’il faut dès lors arracher. Pour remédier au problème, des souches de vignes naturellement résistantes à la maladie furent importées d’Amérique, pour servir de porte-greffe aux greffons européens, alliant résistance et qualité du raisin. Vingt années furent nécessaires pour éradiquer le fléau. Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, le vignoble bourguignon était cependant en « désespérance » suite à l’effondrement du prix du vin et des terres.

Plusieurs mesures furent prises pour redorer l’image des vins de Bourgogne et en faire repartir la consommation. Les viticulteurs entreprirent de vinifier eux-même leur raisin et pratiquèrent la vente directe. En 1934 la confrérie des Chevaliers du Tastevin fut créée à Beaune. Cette assemblée de connaisseurs participe à la diffusion du Bourgogne dans le monde. La confrérie fut à l’origine, en 1938, de la Saint-Vincent Tournante, du nom du patron des vignerons, une fête célébrant le vin et la solidarité entre producteurs. Organisée chaque année dans une commune différente autour du 22 janvier, la fête est bien connue des bourguignons ! A Chablis on put compter sur l’Abbé Balitrand, curé de Poinchy, qui créa en 1923 la Chablisienne, coopérative fédérant les petits exploitants, coordonnant la production viticole et assurant la commercialisation du vin. Elle rassemble aujourd’hui près de trois cents producteurs qui produisent un quart du vin de Chablis.

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Tastevin en métal. Cette petite coupelle sert à prélever du vin dans un tonneau pour le déguster. Photo Wikimédia Commons

Les AOC (appellations d’origine contrôlée) furent créées en 1935 sous l’impulsion de la Bourgogne pour améliorer la reconnaissance des vins. Gage de qualité, les AOC déterminent précisément les aires de production, les cépages, les procédés de culture, les rendements, la vinification et le degré d’alcool et permettent de lutter contre les contrefaçons. Une hiérarchie est alors déterminée : c’est la naissance des Grands Crus et Premiers Crus, suivis des appellations villages et régionales !

Les Caractéristiques du vignoble bourguignon

La Bourgogne connait plusieurs aires de production de vins. Dans l’Yonne, le Chablisien et l’Auxerrois produisent des vins renommés, blancs et rouges. Au nord de la Côte-d’Or, le Pays Chatillonnais est le royaume de la production de Crémant de Bourgogne. Entre Dijon et Chalon-sur-Saône c’est soixante-six kilomètres de « côtes », installées sur une faille géologique, qui voient se succéder le long de la RN74 de nombreux grands crus ! Au sud de la Bourgogne, en Saône-et-Loire, le Mâconnais produit principalement des vins blancs. Aujourd’hui le vignoble bourguignon représente environ 25 000 hectares qui produisent 58% de vin blanc et 42% de vin rouge. La renommée de la Bourgogne tient à la présence de vingt-trois appellations grand Crus, dont vingt-deux en Côte-d’Or et une dans l’Yonne.

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Carte des régions viticoles de Bourgogne. Document du Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne. Site http://www.vins-bourgogne.fr

Le vignoble bourguignon se caractérise par une multitude de petites parcelles qui composent de petites exploitations, en général moins de 10 hectares. A la différence du vignoble bordelais régi par le droit d’ainesse, les domaines bourguignons sont divisés entre les héritiers à chaque succession ! A faible rendement, le vignoble bourguignon produit les vins parmi les plus chers au monde.

Les clés des vins de Bourgogne

La qualité du vin réside dans l’alchimie fragile de la rencontre entre le terroir et le savoir-faire de l’homme depuis plusieurs siècles. Le terroir bourguignon est propice à la culture de la vigne par son climat continental et la nature de son sol composé principalement de calcaire ou d’argile, bien drainé et pourvus de beaux coteaux en pente. La nature du sol détermine le choix du cépage le plus adapté !

Si votre cépage se rapporte à votre ramure…

Les cépages sont les différentes variétés de vignes existant au sein de l’espèse Vitis Vinifera. Les cépages bourguignons sont le fruit de la sélection, au cours des siècles, des meilleurs pieds de vigne par l’homme, et du clonage, apparu dans les années 1960. Parmi les cépages cultivés en Bourgogne on trouve le Chardonnay, présent dans le monde entier, qui donne du vin blanc, le pinot noir, beaucoup plus fragile, pour le vin rouge, mais aussi le Gamay ou encore l’Aligoté, consommé généralement en Kir. Le Muscat et le Chasselas, présents au XVIIIe siècle en Bourgogne ont disparu. D’autres cépages sont en voie de disparition, mais l’Yonne fait figure de conservatoire de ces espèces rares ! Le Melon de Bourgogne ne se rencontre plus qu’à Vézelay, le Sauvignon est toujours cultivé à Saint-Bris le Vineux, le Sacy, rival du Chardonnay, est encore élevé à Chitry, le César est présent à Coulanges-la-Vineuse et le Pinot Gris à Joigny. A la différence du Bordelais ou de la Champagne, les vins de Bourgogne ne font pas l’objet d’un assemblage de cépages lors de la vinification.

Les clos sont une autre particularité du vignoble bourguignon. Il s’agit de parcelles de vignes, généralement entourées d’un muret de pierres sèches et fermées par un portail ouvragé pour les plus belles. Les clos résultent d’une conception hautement patrimoniale du vignoble en Bourgogne et de l’attachement des hommes à leur terre !

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Le Clos de Vougeot, ancien domaine viticole situé en Côte d’Or exploité par les moines de Cîteaux. Photo Wikimédia Commons

Une histoire de Climats

Les Climats de Bourgogne désignent des parcelles de vignes bien délimitées qui possèdent leur propre nom depuis le Moyen Age. Ils sont le résultat de la conjonction à un endroit précis d’un sol, d’un sous-sol, d’un micro-climat, d’une exposition particulière au soleil et du travail de la main de l’homme depuis des siècles. Les Climats ont donné leur nom à des vins réputés en Bourgogne, comme Chambertin, Romanée-Conti, Montrachet, Corton…, contrairement aux vins de Bordeaux qui portent le nom du propriétaire du domaine ! Le terme de « climat » apparaît pour la première fois au XVIe siècle où il est synonyme de « lieu-dit ». Progressivement les appellations des différents climats naissent. A partir du XVIIIe siècle, la libéralisation de l’économie modifie la commercialisation des vins de Bourgogne. C’est l’apparition des vins de climat et la disparition des « Vins de Dijon » ou « Vin de Beaune » appellations plus que vagues…

Aujourd’hui, Les Climats du Vignoble de Bourgogne font l’objet d’une demande de classement auprès de l’UNESCO au titre de site culturel, œuvre conjuguée de l’homme et de la nature. Le périmètre de la protection concerne la Côte de Nuits et la Côte de Beaune. Au delà de la reconnaissance de la valeur universelle et historique du site, le classement au patrimoine mondial de l’UNESCO permettra une meilleur protection des lieux et leur transmission aux générations futures. Vous pouvez soutenir la candidature en ligne sur le site www.climats-bourgogne.com

Bonne dégustation !

Le Morvan, fournisseur officiel des sapins de Noël !

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Paysage du Morvan : lac et plantation de jeunes sapins

La Nièvre est l’un des premiers producteurs de sapins de Noël en France. Près d’un quart des sapins produits proviennent des forêts du Morvan !

L’arbre de Noël, une tradition ancienne mais toujours de rigueur

L’installation d’un sapin décoré dans les foyers quelques jours avant Noël est un usage qui mêle plusieurs traditions anciennes et païennes. Le sapin est un conifère dont le feuillage persistant est composé d’épines. Toujours vert, même au cœur de l’hiver, il a pour cette raison été le symbole de la renaissance et de la vie dans de nombreuses cultures. Chez les celtes ou encore les peuples scandinaves, il était d’usage de décorer l’intérieur ou le seuil des habitations avec des branches de sapins, notamment au moment du solstice d’hiver, le 21 décembre, pour fêter le retour du soleil. A partir du VIIe siècle, cette coutume païenne se mêla progressivement aux célébrations chrétiennes. Au XIe siècle les Mystères, scènes théâtrales religieuses, étaient joués pour célébrer des épisodes de la vie du Christ. A cette occasion, durant l’Avent, les jours précédant Noël, un sapin était garni de pommes rouges pour symboliser l’Arbre du Paradis. Mais les sapins de Noël décorés apparurent véritablement à la Renaissance. En 1510 en Lettonie, une guilde décora un arbre de rubans et de fleurs séchées avant de le brûler sur la place publique. Plus tard, en 1521, les livres de comptes de la ville de Sélestat, en Alsace, attestent de la vente de sapins à la période de Noël pour décorer les habitations. L’usage de l’arbre de Noël se répandit avec la Réforme Protestante dès le XVIe siècle dans les pays du Nord et de l’Est de l’Europe, notamment en Scandinavie et en Allemagne. Pour se démarquer de la tradition catholique de la crèche de la Nativité, les Protestants représentaient la fête de Noël par un sapin décoré !

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Gravure de mode représentant femmes et enfants autour d’un sapin de Noël, fin XIXe siècle. Collection du Musée National des Arts et Traditions Populaires. © MNATP

La tradition aurait été introduite en France à Versailles en 1738 par Marie Leszcynska, d’origine polonaise, épouse du roi Louis XV. La mode du sapin de Noël, ancrée dans les cours européennes, se répandit bientôt dans les intérieurs bourgeois et parmi le petit peuple. Les sapins étaient le plus souvent posés sur une petite table au cœur de la pièce principale. Ils étaient alors décorés de nourriture, fruits, bonbons, hosties… Il fallait secouer les branches pour faire tomber les friandises qui constituaient les cadeaux de Noël ! De plus en plus gros, les cadeaux furent bientôt déposés au pied du sapin. De petites décorations, d‘abord fabriquées au sein du foyer, prirent leur place sur les branches. Ces petits objets clinquants en métal peint, en cire ou en bois, furent produits par l’industrie dès le XIXe siècle. Les boules de verre soufflé firent leur apparition vers 1850. C’est aux Etats-Unis à partir du XVIIe siècle que les sapins furent illuminés à l’aide de mèches installées dans des coquilles de noix accrochées aux branches. Les guirlandes lumineuses les remplacèrent au XXe siècle.

Le sapin de Noël, roi des forêts du Morvan

La production de sapins de Noël démarra dans le Morvan en 1929 sur la commune d’Alligny-en-Morvan. Avant la seconde Guerre Mondiale on produisait déjà des sapins à Moux-en-Morvan et à Saulieu. D’abord récoltés de manière sauvage dans les forêts locales, les sapins étaient principalement destinés à la clientèle parisienne. Au fil des ans la production s’organisa pour répondre à la demande croissante, encouragée notamment par la présence des allemands durant l’Occupation. Les pépiniéristes pionniers furent bientôt rejoints par de nombreux morvandiaux qui possédaient de petites parcelles de forêt peu valorisées et qui cherchaient des revenus complémentaires.

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Camion des « Pépinières du Morvan » transportant des sapins de Noël, photographie, 1958.

Le Morvan est un massif granitique dont le climat frais, les précipitations abondantes, le sol acide et l’altitude moyenne de 500 à 900 mètres sont particulièrement adaptés à la culture des sapins. Aujourd’hui le Morvan produit principalement deux essences de conifères : le Nordmann, star des sapins naturels d’intérieurs dont les aiguilles sont particulièrement résistantes, et le traditionnel Epicéa, toujours prisé pour sa bonne odeur et la jolie forme de ses branches.

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Branches et cônes d’Epicéa

Une filière économique structurante

La production de sapins de Noël constitue une ressource économique importante pour la région. Elle trouve sa place dans la polyculture pratiquée dans le Morvan et constitue bien souvent un revenu d’appoint pour les agriculteurs, en plus de la culture céréalière et de l’élevage du Charolais. L’activité est organisée en filière agricole depuis 1998, date de la création de l’Association Française du Sapin de Noël Naturel, dont le siège se trouve à Alligny-en-Morvan. Le Morvan compte près de 150 producteurs de sapins pour 1500 hectares plantés, mais peu d’agriculteurs vivent uniquement de cette ressource. Le calendrier de la production de sapins s’accorde bien avec les autres travaux des champs. Les petits pieds de conifères de 15 à 20 cm sont d’abord replantés en terre au printemps. Ils pousseront entre 5 et 10 ans avant d’être coupés à partir du mois d’octobre, puis marqués selon leur taille, conditionnés sous filets et transportés sur leur point de vente. Aujourd’hui la culture des sapins de Noël répond à un cahier des charges strict. Les sapins du Morvan proviennent de forêts gérées. S’il n’existe par de label d’Indication Géographiquement Protégée (IGP), plusieurs marques territoriales ont été créées par les producteurs morvandiaux pour attester de la provenance des sapins comme « Légende du Morvan » ou « Morvan, Nature et Talents ». Par ailleurs, le label national « Plante Bleue » garantie la production éco-responsable.

Le Sapin de Noël de l’Elysée vient du Morvan !

Cette année encore, et pour la huitième fois, le sapin de Noël qui décore la cour de l’Elysée à Paris vient des forêts du Morvan ! Agée de 24 ans, il a été coupé à Brassy dans la Nièvre. Acheminé à Auxerre, l’arbre a ensuite été transporté jusqu’à Paris par voie d’eau, dans la tradition des flotteurs de bois !

Et maintenant à vos sapins !

La statue de Vercingétorix à Alésia. Quand l’histoire ancienne rejoint l’histoire moderne

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Aimé Millet, Monument de Vercingétorix, sculpture en bronze, 1865.

Vercingétorix un chef Gaulois

Vercingétorix est un chef gaulois d’origine averne (peuple de l’actuelle Auvergne) né vers 72 avant Jésus-Christ et mort à Rome en 46 avant notre ère. De sa jeunesse on sait peu de choses. Jeune aristocrate, fils de Celtillos qui fut assassiné à cause de son ambition politique, Vercingétorix est connu de Jules César, général romain. Certains historiens pensent même qu’il aurait pu être formé au sein des troupes romaines, ce qui expliquerait sa bonne connaissance de la stratégie de guerre ennemie et la forte résistance qu’il opposa plus tard aux troupes de César.

Unificateur de la Gaule divisée

En 58 avant J.C. les troupes romaines, qui occupent déjà le sud de la Gaule depuis le IIe siècle, interviennent à la demande des gaulois et chassent les peuples germains et helvètes qui tentaient d’occuper les régions de l’Est. Jules César, chef gonflé par l’ambition politique, cherche une guerre de conquête à mener et jette alors son dévolu sur la Gaule. C’est le début de La Guerre des Gaules, commentée par César dans un ouvrage, principale source historique de connaissance du conflit. César mène de régulières incursions en Gaule pendant six années avant que certaines tribus du centre et de l’ouest organisent l’insurrection face à la menace sérieuse d’occupation. En 52 avant J.C. Vercingétorix, fort de sa victoire sur les romains lors du siège de Gergovie, parvient à se faire désigner chef des armées gauloises lors d’une assemblée des peuples de Gaule à Bibracte, sur le Mont Beuvray. Il emporte à cette occasion le soutien des Eduens, d’abord alliés de César.

Vue aérienne du mont Auxois, site de la bataille d'Alésia
Oppidum d’Alésia sur le Mont Auxois

Une bataille qui a marqué l’histoire

Après son échec à Gergovie, César tente de se replier dans les terres romanisées du sud de la Gaule. Vercingétorix choisit ce moment pour surprendre les troupes romaines en pleine campagne, au nord-ouest de l’actuelle ville de Montbard, en Côte-d’Or. Afin d’affamer les troupes ennemies, Vercingétorix pratique la politique de la terre brulée. Mis en déroute par l’armée romaine soutenue par de redoutables cavaliers germains, Vercingétorix et ses troupes se réfugient sur l’oppidum d’Alésia (sur l’actuelle commune d’Alise-Sainte-Reine) sur le Mont Auxois, place forte située en hauteur. César entame aussitôt un siège autour de l’oppidum où sont retranchés les gaulois, entamant des travaux visant la construction d’une double rangée de lignes fortifiées entourées d’une trentaine de camps romains, le tout assorti de pièges évitant l’évasion des gaulois. Le siège durera entre un mois et demi et trois mois. Alertées, les armées gauloises de secours arrivent finalement pour tenter un dernier assaut sur les troupes romaines. Mis en déroute une fois de plus, Vercingétorix se rend à César pour épargner la vie de ses hommes. Deux années durant il suivra le général romain qui poursuit sa conquête de la Gaule avant d’être emprisonné à son arrivée à Rome, puis mis à mort en 46 avant J.C.

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Aimé Millet, Le Monument à Vercingétorix, 1865

Une statue commémorative et un acte politique

Si l’épisode fut de courte durée, Vercingétorix passa à la postérité en grande partie grâce à Napoléon III. Très intéressé par la Guerre des Gaules et auteur d’une biographie de Jules César, Napoléon III fit entreprendre d’importantes fouilles sur les sites de Gergovie et d’Alésia entre 1861 et 1865. L’attribution de la localisation du site par Napoléon entraina de vives contestations. Aujourd’hui encore, de nombreux sites français se disputent la localité de la bataille d’Alésia. Des fouilles récentes à Alise-Sainte-Reine et un faisceau d’indices cohérents renforcent cette thèse largement reconnue par les spécialistes.

Le mythe du guerrier gaulois

En pleine période de Restauration, Napoléon III forge le mythe de Vercingétorix à des fins politiques ! Il en fait un héros, premier unificateur du peuple français, et véhicule une image romantique du gaulois qui perdure encore de nos jours. Pour commémorer la fin des fouilles sur le site d’Alésia, Napoléon III commanda sur ses fonds propres une sculpture monumentale de Vercingétorix au sculpteur Aimé Millet, dressée depuis lors au sommet de l’ancien oppidum. Le socle de la statue, réalisée en granit de Saulieu et en pierre de Pouillenay mesure 7 mètres de hauteur et a été dessiné par le grand architecte Eugène Viollet-le-Duc. On peut y lire une inscription hautement politique :

« La Gaule unie, formant une seule nation, animée d’un même esprit, peut défier l’univers ».

Tout un programme pour la France de cette fin du XIXe siècle, qui, tout comme la Rome antique, poursuit avec les autres nations européennes une conquête impérialiste acharnée. Une manière pour l’empereur de légitimer par l’histoire ses ambitions politiques de conquête du monde.

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Aimé Millet, Monument à Vercingétorix, 1865. Détail du visage

Un programme décoratif symbolique

Haute de 6,60 mètres, la statue a été réalisée en tôle de cuivre fixée sur une armature. Si l’oeuvre représente un héros gaulois, elle porte bien la marque de son siècle de création : le XIXe siècle. En effet, Napoléon III a donné ses traits au visage de Vercingétorix qui relève, par ailleurs, d’une vision toute romantique de la période celte. La chevelure hirsute du guerrier et sa longue moustache pendante sont les archétypes de la représentation des gaulois, aujourd’hui contrariée par les découvertes archéologiques. Le visage grave est emprunt de la résignation de la défaite. La tenue du chef gaulois fait place à de nombreuses fantaisies, comme la présence du collier de perles. Le reste provient d’un mélange venu de différentes époques : les chausses évoquent celles du début du Moyen Age tandis que l’épée et la cuirasse rappellent des modèles antérieurs connus à l’age du fer. Il n’empêche que l’observation de l’ensemble, grandiose, suscite toujours l’admiration !

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Aimé Millet, Monument à Vercingétorix, 1865. Détail

Réception mitigée et consécration tardive

Vivement critiquée dés son érection, principalement par des anti-bonapartistes convaincus, la statue est depuis entrée dans le paysage local et dans le cœur des bourguignons. La défaite contre la Prusse en 1871 fit rapidement taire les critiques. La statue devint une image du héros national et de la lutte contre l’envahisseur qui exacerba la volonté de revanche contre le peuple germanique qui trouvera son expression dans la Première Guerre Mondiale. Depuis 2012 la statue est inscrite au titre des Monuments Historiques.

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Muséoparc, Alise-Sainte-Reine.

Les lieux à visiter

La statue est en libre accès au sommet du village d’Alise-Sainte-Reine, toute proche des vestiges de la ville gallo-romaine qui s’est développée sur l’oppidum après la bataille d’Alésia. Le site qui fut occupé jusqu’au Ve siècle conserve aujourd’hui de très beaux vestiges. A l’écart du village le nouveau Muséoparc a ouvert ses portes en 2012. Sa muséographie moderne retrace l’histoire de la bataille d’Alésia et permet de mieux comprendre le site et le contexte de l’époque.

Les plus courageux pourront découvrir la région lors du Trail organisé à Alésia chaque année en septembre. Le départ des coureurs se fait au pied de la statue !

Trail Alésia 2014
Trail d’Alésia, 2014

Le Parcours d’Ombres de Christian Boltanski à Vitteaux ou la rencontre réussie entre patrimoine et art contemporain

Parcours d'Ombres, Christian Boltanski
Parcours d’Ombres, 2004/2010, Œuvre réalisée par Christian Boltanski dans le cadre de l’action “ Nouveaux commanditaires ” initiée par la Fondation de France. Médiation: le Consortium, Dijon. © Bertrand Gautier pour France 3

Vitteaux est une petite commune de Côte-d’Or qui peut se targuer d’abriter une œuvre d’art contemporain de l’un des plus grands artistes français actuels.

L’Action des Nouveaux Commanditaires

L’action des Nouveaux Commanditaires est un protocole de production artistique innovant, initié par la Fondation de France, qui a pour objectif de remettre l’art contemporain au centre de l’espace public. Le protocole aide des commanditaires publics – citoyens ou collectivités – confrontés à des enjeux de développement des territoires, à passer commande à un artiste contemporain. La présence d’un médiateur culturel agréé permet de nourrir le dialogue. Plusieurs œuvres ont ainsi vu le jour en Bourgogne !

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La Halle de Vitteaux. Document Wikimedia Commons

En 2004, la municipalité de Vitteaux a décidé de réaménager l’éclairage public de la ville et a fait appel aux Nouveaux Commanditaires. Aidés par Xavier Douroux, du Consortium – Centre d’art contemporain de Dijon, les habitants et les élus ont ainsi pu rencontrer l’artiste Christian Boltanski, et entamer avec lui le dialogue autour de l’oeuvre à créer. Riverains et artiste ont ainsi contribué à l’émergence d’une œuvre unique, conçue spécifiquement pour le lieu. Inauguré en 2004, Le Parcours d’Ombres de Christian Boltanski a été aussitôt adopté par les habitants. Face au succès de l’opération, l’oeuvre a même fait l’objet d’un agrandissement en 2010.

Vous avez dit Christian Boltanski ?

Christian Boltanski est né à Paris en 1944 dans une famille juive. La Deuxième Guerre Mondiale et l’Holocauste ont profondément marqué l’artiste et son œuvre. Il commença à peindre à l’âge de quatorze ans avant d’explorer d’autres techniques et supports (collage, installations visuelles et sonores, vidéo, écriture, photographie, assemblages d’objets trouvés…). Son œuvre est centrée sur l’homme et les problématiques de la mémoire, du passé, de l’histoire, et de la mort y sont très présentes, se mêlant parfois à sa propre biographie. Cet artiste jouit d’une reconnaissance internationale pour son travail d’un fort pouvoir émotionnel qui joue sur la répétition, le dérisoire et l’oubli. En 2010 il fut l’invité de la Monumenta au Grand Palais à Paris.

Parcours d'Ombres, Christian Boltanski
Parcours d’Ombres, 2004/2010, Œuvre réalisée par Christian Boltanski dans le cadre de l’action “ Nouveaux commanditaires ” initiée par la Fondation de France. Médiation: le Consortium, Dijon. © Bertrand Gautier pour France 3

Le dispositif de l’oeuvre

Le Parcours d’Ombres de Christian Boltanski comprend vingt-et-une figures qui projettent leur ombre, le soir venu, sur les murs de la ville, lorsque l’éclairage public s’allume automatiquement. Pour les découvrir, il faut suivre le parcours concocté par l’artiste et traverser la Ruelle Ferrand, la Rue Portelle, la Rue Hubert Languet et le Pont de l’Oeuf. Christian Boltanski a découpé ces silhouettes dans des plaques de cuivre. Fixées à des endroits stratégiques de la ville, ces figures énigmatiques animent, la nuit tombée, les calmes ruelles de Vitteaux.

Un parcours d’ombres pour éclairer la ville ?

Si la commande originelle était de repenser l’éclairage public et d’éclairer les rues sombres du bourg, l’artiste a fait une proposition inattendue : la création d’un parcours d’ombres ! Les ombres de Boltanski font appel à une imagerie bien particulière liée aux danses macabres (lire l’article sur la Danse Macabre de la Ferté-Loupière) et à l’univers d’halloween. Ici une sorcière s’envole sur son balai, là un chat nous guette, ailleurs on rencontre un animal étrange, aux pattes frêles et au museau pointu, ou encore des visages aux airs maléfiques et inquiétants, des masques, un ange… Les figures de Boltanski évoquent un bestiaire médiéval de contes et de légendes. L’artiste a su saisir l’atmosphère particulière de ce village pour créer des ombres qui s’accordent parfaitement avec l’architecture et l’esprit des lieux. Son oeuvre plonge le visiteur dans un état de rêverie, tout en évoquant le passé médiéval de la ville. L’installation entre en résonance avec les maisons à pans de bois, l’Hôtel Bélîme du XIIIe siècle, l’église romane et la halle médiévale de Vitteaux, tissant des liens entre les bâtisseurs du passé et la création actuelle. Un bel exemple de la rencontre réussie entre art contemporain et patrimoine !

Parcours d'Ombres, Christian Boltanski
Parcours d’Ombres, 2004/2010, Œuvre réalisée par Christian Boltanski dans le cadre de l’action “ Nouveaux commanditaires ” initiée par la Fondation de France. Médiation: le Consortium, Dijon. © Bertrand Gautier pour France 3

Il était important pour l’artiste que son œuvre s’insère dans la vie quotidienne de la ville, sans la figer ou la muséifier. Rien n’empêche un habitant, par exemple, de modifier sa façade ou d’entamer des travaux. L’oeuvre est discrète, amusante, et peu de visiteurs qui passent à la tombée de la nuit ont conscience de contempler une œuvre d’art ! On est en présence d’une œuvre fragile qui nécessite un noir presque total pour prendre vie. Elle s’éclipse dés le jour venu !

Parcours d'Ombres, Christian Boltanski
Parcours d’Ombres, 2004/2010, Œuvre réalisée par Christian Boltanski dans le cadre de l’action “ Nouveaux commanditaires ” initiée par la Fondation de France. Médiation: le Consortium, Dijon. © Bertrand Gautier pour France 3

Un petit pas pour Boltanski, un grand bond pour Vitteaux

Le thème du théâtre et des ombres est présent dans l’oeuvre de Boltanski dès les années 1980. Ses Compositions Théâtrales de 1981 mettent en scène de petits pantins de carton et fil de fer fabriqués par l’artiste, qu’il compare lui-même à des fétiches vaudous ou des trésors personnels relevant du mythe de l’enfance perdue. Créé en 1984 par Boltanski, Le Théâtre d’Ombres est une œuvre fragile, qui n’est pas sans rappeler celle de Vitteaux. Composée de figurines découpées dans du métal, l’oeuvre se nourrit d’influences diverses, du mythe platonicien de la caverne aux ombres chinoises, des danses macabres du Moyen Age au mythe des origines de la peinture chez les Grecs. Boltanski a donc puisé son inspiration dans son parcours personnel pour créer à Vitteaux une œuvre cohérente tant avec son travail qu’avec la ville et les attentes de ses habitants. Parcours nocturne libre et gratuit dans la ville toute l’année. Documentation disponible à l’Office de Tourisme de Vitteaux qui organise également des visites guidées.

La Grange Cistercienne de Beauvais ou la renaissance d’un patrimoine rural en danger !

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Claude Gourdain, La Grange de Beauvais, aquarelle d’après une carte postale ancienne, 2007.

Grange ou édifice religieux ?

La Grange de Beauvais était une dépendance de l’Abbaye cistercienne de Pontigny dans l’Yonne, construite aux confins de la Bourgogne et de la Champagne en 1114. Seconde fille du Monastère de Cîteaux, l’Abbaye de Pontigny était régie par la règle de Saint-Benoit qui partageait la vie des religieux entre le travail manuel et agricole effectué par les frères convers, et la prière et l’étude qui ponctuaient la vie des moines. Grâce à son rayonnement, l’Abbaye s’enrichit rapidement de terres et de forêts, offertes par les seigneurs, nobles et bourgeois locaux, en échange du salut de leur âme et du rachat de leurs pêchers. Un réseau d’une quinzaine de domaines d’exploitation agricole, viticole et industrielle appelés « granges » s’organisa ainsi autour de l’abbaye dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres, afin d’alimenter et de faire vivre la communauté monastique. Les activités de ces granges étaient variées, entre exploitation forestière, élevage de moutons et de porcs, cultures céréalières et viticoles et même extraction du minerai de fer, ou fabrication de briques et de tuiles.

Petit bergerie deviendra grande

La Grange de Beauvais vit probablement le jour vers 1235 à l’écart du village de Venouse, sur des terres dominant la vallée du Serein, au bord de l’antique voie d’Auxerre à Troyes, où fut d’abord construite une simple bergerie. Les frères convers faisaient paître leurs troupeaux sur le plateau de Pontigny. Mentionnée deux ans plus tard sous le nom de Grange de « Bello Videre », la Grange de Beauvais comprenait à l’origine un enclos dans lequel furent construits des étables ainsi qu’un corps de logis pour les frères convers, bordés d’une chapelle pour les offices religieux. L’activité de la grange se développa et se diversifia progressivement. Les terres du domaine furent défrichées et cultivées. Un bâtiment de stockage fut construit pour abriter la récolte. Les céréales et légumes cultivés constituaient la base du régime alimentaire frugal des moines de l’Abbaye de Pontigny. La Grange de Beauvais avait une double vocation agricole et pastorale permettant une vie quasi autarcique. Mais la fin du Moyen Age fut une période de troubles durant laquelle l’Abbaye de Pontigny et le domaine de la Grange de Beauvais subirent de nombreuses difficultés. Les mauvaises récoltes, la Guerre de Cent ans, les pillages et les épidémies se succédèrent. Face aux difficultés rencontrées, les moines de Pontigny furent contraints de louer les granges aux paysans aisés de la région par des baux qui prévoyaient un paiement en récolte, ou en argent.

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La Grange de Beauvais en 2014. Document Gilbert Terreaux

Les aléas de l’Histoire

La Révolution Française mit définitivement un terme aux activités de la Grange de Beauvais, qui se composait à cette période de quatre-vingt-quatorze hectares exploités. Les biens de l’Eglise tombèrent dans le domaine public en 1789 et le domaine de la Grange de Beauvais fut vendu aux enchères en avril 1791. Gabriel Crochot, dernier fermier de la petite localité de Beauvais, acheta une grande partie des terres ainsi que l’ensemble des bâtiments. Ambitieux, le nouveaux propriétaire agrandit encore le domaine par l’achat de terres et de vignes et procéda à une extension des bâtiments. Il fut à l’origine de la construction de l’aile Ouest qui comprenait des écuries, ainsi qu’un cellier voûté et un pressoir situé probablement à l’emplacement de l’ancienne chapelle, aujourd’hui disparue. En 1833, le cadastre fait apparaître une nouvelle aile construite à la fin du XVIIIe siècle ou au début du XIXe siècle et qui clôt la cour de la ferme dans sa partie occidentale. L’aile, construite d’un seul tenant, abritait les écuries, les étables et la bergerie. La vigueur des nouvelles constructions atteste de l’extension des activités de la ferme. À la fin du XIXe siècle, la construction d’une longue halle ouverte prolonge la grange à blé. A l’est, une boulangerie et un colombier viennent compléter les bâtiments existants. L’ensemble est clos par un mur et forme une ferme-forteresse de plan carré. Certaines parties du domaine restèrent entre les mains des descendants de Crochot jusqu’après la seconde guerre mondiale. Dés le XIXe siècle le domaine est connu sous le nom de « Ferme de Beauvais ». Il sera exploité jusqu’en 1995.

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La Grange de Beauvais. Document Gilbert Terreaux

Etat des lieux et restaurations

En 1995, les bâtiments, en ruine, sont menacés de destruction. L’Association Les Amis de Pontigny lance alors un appel aux dons qui permet le rachat de l’ensemble des bâtiments et d’une grande partie des terrains de l’enclos. L’association La Grange de Beauvais est alors fondée dans le but de restaurer, gérer et animer le site. Depuis 1996 de nombreux chantiers de bénévoles ont permis la restauration progressive de la ferme, soutenus par les collectivités locales et aidés par des professionnels de la restauration du patrimoine. Trois bâtiments retiennent davantage l’attention des bénévoles. Au sud, la grange à blé semble être la partie la plus ancienne conservée, probablement médiévale. En attente de restauration, elle est actuellement fermée au public. La halle ouverte accueille en revanche aux beaux jours des manifestations. Au Nord, le corps de logis paysan présente son organisation du XVIIIe siècle. A l’est, le pigeonnier et le fournil, du XVIIIe siècle également, ont été restaurés. Un boulanger-pâtissier fait fonctionner plusieurs fois par an le fournil et y cuit son pain. L’aile Ouest, dédiée aux activités pastorales, abritait les écuries, la bergerie, les étables, des remises ainsi que la laiterie, construites en enfilades, et surmontées d’un grenier d’un seul tenant.

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La Grange de Beauvais, le fournil et le pigeonnier. Document Gilbert Terreaux

Aujourd’hui les parties restaurées ouvrent régulièrement leurs portes aux bénévoles et au public pour diverses manifestations culturelles, randonnées, concerts, spectacles et visites guidées. La Grange de Beauvais se visite les samedis après-midi de juillet à septembre et sur rendez-vous toute l’année pour les groupes. De nombreuses manifestations sont organisées toute l’année, notamment lors des Journées du patrimoine.

Bonne visite

La Couleur de l’Objet. Une exposition d’art contemporain à Gurgy

Jusqu’au 23 novembre à l’Espace Culturel

Gathering, Daniel Firman, 2000 ©
Gathering, Daniel FIRMAN, 2000. Collection FRAC Bourgogne – © Daniel FIRMAN, FRAC Bourgogne

Après la Couleur de la Peinture, la mairie de Gurgy dans l’Yonne inaugure une nouvelle exposition autour du thème de la couleur dans l’objet. En collaboration avec le Centre d’Art Contemporain de l’Yonne en Scène et le Fonds Régional d’Art Contemporain de Bourgogne, la municipalité a réuni cinq œuvres phares, à l’Espace Culturel de Gurgy, pour une exploration du rôle de la couleur dans l’objet, et de la place des objets dans notre vie quotidienne.

Des objets et des hommes

Nous vivons entourés d’objets ! Si nous avons parfois tendance à oublier ce constat, les œuvres exposées à Gurgy nous le rappellent. L’objet joue un rôle crucial dans le monde contemporain. Il est même au cœur de notre société de consommation depuis la révolution industrielle. Qu’il soit objet utilitaire, décoratif, ou technologique, il est désormais fabriqué à la chaine. Ces objets sériels et industriels à la fois identiques par leur forme et leur fonction, mais différents par leur couleur, sont le sujet de l’oeuvre Perfect Vehicles présentée dans l’exposition. En reproduisant en multiples exemplaires une série de jarres chinoises moulées en plâtre mais de différentes couleurs, Allan McCollum pointe l’ambiguité de l’objet, à la fois important et dérisoire, semblable et différent.

Perfect Vehicles, Allan McCollum, 1988 ©
Perfect Vehicles, Allan MCCOLLUM, 1988. Collection FRAC Bourgogne © Allan McCollum, FRAC Bourgogne

Et l’art dans tout ça !

L’objet est présent dans la peinture depuis l’Antiquité mais s’affirme comme sujet de l’oeuvre à travers la nature morte qui devient un genre pictural à part entière au XVIe siècle. Gibiers et poissons, fruits et légumes, vaisselle ou ustensiles sont peints dans un souci de réalisme constant.

L’art du XXe siècle, en rupture avec cette tradition, transforme radicalement la représentation de l’objet ! Soucieux d’interroger sans cesse les liens entre l’art et la vie, les artistes remplacent dès le début du siècle la représentation picturale de l’objet par… l’objet lui-même ! Les cubistes, Picasso et Braque en tête, sont à l’origine de l’introduction des objets dans les œuvres grâce à l’invention du collage dans les années 1910. Mais c’est l’artiste Marcel Duchamp qui décrète, en exposant un porte-bouteille en métal en 1913, que l’objet manufacturé appelé « ready made » (prêt à l’emploi) peut devenir œuvre d’art sans nécessiter l’intervention de l’artiste !

De nouvelles voies sont ouvertes pour les artistes. De nombreux courants revendiqueront l’utilisation des objets dans leurs œuvres pour repousser toujours plus loin les limites de l’art, des Dadaïstes aux Surréalistes, en passant par le Pop Art et les artistes exposés à Gurgy.

Zoom sur quelques œuvres de l’exposition

L’exposition de Gurgy met l’accent sur la couleur qui apparaît dans les œuvres tantôt comme élément de distinction de l’objet, élément décoratif, ou composante de l’objet.

L’oeuvre de Bertrand Lavier Rouge de Chine par Corona et Tollens explore d’une manière subtile le rapport entre la peinture traditionnelle et l’objet manufacturé. Son tableau se réfère à la tradition moderne du monochrome, aplat de peinture d’une seule couleur, en utilisant non pas de la peinture en tube mais des pots de peinture industrielle. A cela s’ajoute une réflexion philosophique sur la limite du langage et l’incapacité des mots à qualifier la couleur. Le rouge de Chine présente en effet une teinte bien différente d’une marque à l’autre.

Dans Flowers, sérigraphies d’Andy Warhol, maître du Pop Art américain, la couleur est une composante essentielle. Vive, saturée et antinaturaliste, elle désacralise le sujet et permet de faire passer l’objet – ici des fleurs – au rang de simple motif décoratif répétitif.

Quelle place pour l’artiste ?

Face à l’importance de l’objet dans le monde contemporain, deux œuvres de l’exposition interrogent le rôle de l’artiste par le biais de la couleur, outil d’expression artistique essentiel avec le trait et le geste de la main.

Daniel Firman, dans Gathering (Rassemblement), nous montre un personnage croulant sous de multiples objets, dont on ne voit plus que les jambes. L’homme n’est autre qu’un moulage en plâtre du corps de l’artiste, vêtu de ses propres vêtements (pantalon, chaussures, chemise). L’artiste est-il empêché dans sa création par la multitude des objets qui l’asservissent, ou au contraire est-ce une source d’inspiration inépuisable pour lui ?

Tony Cragg s’est quant à lui emparé d’objets multiples, qui rassemblés par couleurs et fixés au mur, forment une Palette géante, la palette de l’artiste contemporain qui ne peint plus avec des pigments mais qui créé son œuvre à partir des objets de notre monde.

Palette, Tony Cragg, 1987 ©
Palette, Tony CRAGG, 1985. Collection FRAC Bourgogne – © Tony Cragg, FRAC Bourgogne, PhotExpress

Voici une belle exposition, petite par la taille mais riche de sens, où la juste sélection des œuvres fait naître de nombreuses réflexions.

A méditer !

Exposition La Couleur de l’Objet jusqu’au 23 novembre à l’Espace Culturel de Gurgy.

Ouverte les week-end et jours fériés.

Visite guidée et conférence organisées autour de l’exposition.

Sur les traces de Colette en Puisaye

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Colette vers 40 ans, 1913. Collection Centre d’Etudes Colette

« Que veux-tu que je te dise ? Rien n’est banal dans ton existence. »

Sido, la mère de Colette à sa fille en 1907.

Qui mieux que Colette a su représenter la Puisaye, ce territoire situé au sud-ouest du département de l’Yonne ? Cette Puisaye, qui tire son nom de deux mots celtes : poël, l’étang, et say, la forêt, s’étend de Briare à Toucy en passant par Saint-Fargeau et jusqu’à Saint-Amand. Elle vit naître plusieurs écrivains, dont Pierre Larousse à Toucy en 1817, auteur des fameux Dictionnaires, et Colette.

L’enfance à Saint-Sauveur-en Puisaye (1873-1891)

Sidonie Gabrielle Colette nait à Saint-Sauveur-en-Puisaye le 28 janvier 1873 dans une famille recomposée peu conventionnelle. Elle passe une enfance heureuse entourée par sa mère, Sidonie, son père le capitaine Colette, ses deux frères et sa sœur. Elle aime plus que tout ses promenades solitaires en pleine nature, à observer les plantes et les bêtes qui l’entourent. De sa mère elle puisera la source de sa grande liberté et de la modernité de sa conception de la féminité. En 1879 elle entre à l’école laïque de Saint-Sauveur alors qu’elle dévore déjà les livres, et en ressort en 1889 avec son certificat d’études et son brevet élémentaire en poche.

maison Colette
La maison natale de Colette à Saint-Sauveur en Puisaye.

Une vie tumultueuse (1891-1954)

En 1891 Colette quitte avec sa famille la maison de Saint-Sauveur à cause des déboires financiers de son père, et s’établit dans le Loiret où elle épouse Henry Gauthier-Villars, surnommé Willy. Le jeune couple s’installe à Paris au dessus de la librairie d’Henry, grâce à qui Colette rencontre des écrivains, artistes, musiciens et hommes politiques. Malgré sa vie mondaine, elle gardera son habitude de rouler les « r », et son parler bourguignon. Femme libre et passionnée, Colette entame en 1901 sa première relation amoureuse avec une femme. Après son divorce en 1910, elle rencontre et épouse son second mari, Henry de Jouvenel, rédacteur en chef du journal Le Matin avec qui elle aura son unique enfant à l’âge de 40 ans, prénommée Colette de Jouvenel. Peu après la fin de son mariage en 1923, Colette rencontre Maurice Goudeket qui deviendra son troisième et dernier époux. En 1938 et après avoir déménagé de nombreuses fois, elle s’installe enfin dans un appartement au Palais Royal à Paris, et y passe le reste de sa vie à écrire avec une ardeur renouvelée. Elle meurt en 1954 dans son appartement, aujourd’hui reconstitué au Musée Colette de Saint-Sauveur-en-Puisaye.

Un écrivain prolixe et reconnu

En 1895 Colette commence à écrire ses premières critiques littéraires et entame la rédaction de son premier roman, encouragée par Willy : Claudine à l’Ecole, publié à Paris en 1900, puis Claudine à Paris, Claudine en ménage (1902) et Claudine s’en va (1903), connaîtront un grand succès dont Willy s’attribue la paternité. Claudine, dont la vie est étrangement semblable à celle de Colette, devient une héroïne en vogue qui donna même son nom aux fameux cols des écolières ! Très inspirée par la nature poyaudine de son enfance, Colette publie Dialogues de bêtes en 1903, avant de donner la paroles aux végétaux dans Pour un herbier en 1947. De plus en plus reconnue pour ses romans, Colette manque de peu le prix Goncourt pour La Vagabonde publié en 1913. En 1920 l’auteur publie Chéri, roman qui a mit de longues années à germer, et obtient les louanges de la critique et l’admiration de Marcel Proust et d’André Gide. En 1926 la publication de La fin de chéri, le plus triste de ses romans, achève sa reconnaissance publique. Entre 1928 et 1930, comme absorbée par le passé, Colette relit les lettres de sa défunte mère, et s’en inspire pour écrire deux autres chefs-d’oeuvres, La Naissance du Jour et Sido. En 1936, dans Mes Apprentissages, Colette règle ses comptes avec Willy, son premier mari. Les années 1950 voient la publication de ses derniers romans tels Le Fanal Bleu ou L’étoile Vesper.

Colette récompensée

Durant sa carrière Colette reçut de nombreux prix et reconnaissances publiques pour son œuvre. En 1920 elle est nommée Chevalier de la Légion d’Honneur avant d’être promue Commandeur puis Officier de la Légion d’Honneur. En 1935 Colette est élue à l’Académie Royale de Langue et de Littérature Française de Belgique. Dix ans plus tard Colette est élue à l’unanimité à l’Académie Goncourt.

Colette pantomime, actrice, dramaturge ou journaliste ?

Femme active, souvent en proie à des difficultés financières, Colette multiplie les expériences, tant pour satisfaire son insatiable curiosité que pour s’assurer des rentrées d’argent. En 1905 elle commence des cours de mime dans l’espoir de monter sur scène. Elle fait ses débuts d’actrice et de pantomime dans la pièce L’amour, le désir et la chimère, en 1906 avant de jouer à l’Olympia dans La Romanichelle. L’année suivante, Colette se produit presque nue sur la mythique scène parisienne du Moulin-Rouge dans un spectacle intitulé Rêve d’Egypte, épisode que l’on surnomme encore « Le Scandale du Moulin Rouge ». Par la suite, elle incarne à plusieurs reprises des personnages de ses romans et pièces adaptés au théâtre et fait des tournées dans toute la France comme pour Claudine à Paris en 1909 ou encore Chéri, en 1921.

En 1910 elle entame une carrière de journaliste en collaborant au journal Le Matin, dont elle devient la directrice littéraire en 1919. Elle commence par rédiger des critiques dans la rubrique music-hall avant de se voir confier des reportages d’actualité. Son rapide succès au Matin lui vaut de collaborer à d’autres journaux et revues comme La Vie Parisienne ou Le Figaro.

Très demandée, Colette accepte de donner des conférences sur la littérature ou la musique, autre passion de son enfance. Toujours à la recherche d’argent, elle se lance même dans la vente de parfums et de produits de beauté ! En 1932 elle ouvre à Paris un salon de beauté qui rencontre peu de succès et ferme rapidement. Les séances de maquillage tournent parfois en séances de dédicaces. Durant la seconde Guerre Mondiale Collette prend le micro et anime des émissions de radio aux côtés de son mari.

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Colette dans Rêves d’Egypte, 1907. Collection Centre d’Etudes Colette

Colette en guerre

A la déclaration de guerre en 1914, Henry est appelé au front de Verdun. Colette doit élever seule sa fille et faire face aux problèmes financiers du couple. Quelques mois plus tard, n’y tenant plus, elle part clandestinement retrouver son mari au front. Elle met l’expérience à profit pour envoyer au Matin des nouvelles de l’arrière-front. Ses chroniques de guerres seront rassemblées dans Les Heures Longues publié en 1917. La guerre lui inspirera aussi un petit roman : Mitsou, publié en 1919.

En 1939 Colette s’apprête à traverser une guerre pour la seconde fois de sa vie. L’année suivante Colette et Maurice fuient l’arrivée des Allemands et se réfugient chez Colette de Jouvenel en Corrèze. L’exode subi fera l’objet du début du Journal à Rebours, publié en 1941. Agée, Colette supporte mal l’exil et les privations alimentaires. Le couple rentre finalement dans le Paris occupé en 1940, où Maurice, qui est juif, est arrêté par les Allemands. Interné à Compiègne, il sera libéré grâce aux efforts de sa femme. Recluse dans son appartement, en proie à différents problèmes de santé, Colette se réfugie dans l’écriture. Elle publie en 1944 plusieurs nouvelles dont Gigi et Le Képi.

La Bourgogne dans les romans de Colette

Si Colette quitte sa Puisaye natale à dix-huit ans, elle n’oubliera jamais son village et ses alentours. A cette époque, la famille Colette, ruinée après les déboires financiers du père – sa première fille réclamait à la famille sa part d’héritage – est obligée de vendre la maison et de quitter Saint-Sauveur. Dans ce petit village poyaudin en cette fin du XIXe siècle, la famille Colette est autant admirée, le père étant percepteur, que dénigrée pour son excentricité.

Le souvenir, réel ou fantasmé, de Saint-Sauveur, transpire dans chaque roman de Colette tout au long de sa vie. Ses paysages d’étangs, de clairières, de marécages et de forêts, qu’elle aime tant parcourir, lui inspirent le décor de Claudine à l’école. Dés le début, la fillette du roman annonce « J’ai vécu dans ces bois dix années de vagabondages éperdus, de conquêtes et de découvertes ; le jour où il me faudra les quitter j’aurais un gros chagrin. » Et si le roman se déroule dans le village de Montigny, ne nous y trompons pas, il ressemble bel et bien à Saint-Sauveur. La maison natale de Colette devient parfois un véritable personnage des ses romans.

Au fil des écrits de Colette, il apparaît pourtant que le souvenir de Saint-Sauveur est ambigu pour l’auteur, tantôt attendrissant, sorte de paradis perdu, tantôt répugnant et maléfique. Après son départ, elle évitera d’y revenir autant que possible. Elle ne viendra pas même à l’enterrement de sa mère qu’elle aimait tant. Les habitants de Saint-Sauveur, transformés, caricaturés, ne sont pas épargnés dans les ouvrages de Colette, qui se venge là du sort réservé à sa famille, et en particulier à Sido. Son institutrice d’enfance, Melle Terrain, pour qui Colette avait une grande admiration, deviendra par exemple dans Colette à l’Ecole, la très laide Melle Sergent.

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Musée Colette à Saint-Sauveur-en-Puisaye

Plusieurs lieux à visiter pour découvrir Colette

Le Musée Colette est installé dans l’ancien château de Saint-Sauveur-en-Puisaye depuis 1995. Vous pourrez y découvrir l’appartement de Colette au Palais Royal reconstitué ainsi que différentes salles qui retracent la vie et l’oeuvre de Colette. Le château abrite également le Centre d’Etudes Colette qui se charge d’organiser des expositions temporaires. Le service de documentation est ouvert au public.

La Maison Colette est une association qui a racheté la maison natale de l’écrivain en 2011 pour faire vivre le lieu. Actuellement en travaux, une programmation annuelle de spectacles, lectures, conférences et animations sera mise en place dès l’ouverture au public.

L’Ours Blanc de Dijon

Alors que sort le film Grizzly au cinéma, je vous propose de découvrir l’Ours Blanc de Dijon. Cette sculpture de deux mètres cinquante, taillée en pierre de Lens, trône à l’entrée du Parc Darcy.

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L’Ours Blanc, 1933, Henry Martinet, Parc Darcy, Dijon. Copie de l’oeuvre de François Pompon.

Un bien étrange gardien du Parc

La présence de cet Ours Blanc en plein Dijon n’est pourtant pas si étrange ! Cette sculpture a été commandée par la municipalité en 1933 pour rendre hommage à François Pompon, célèbre sculpteur animalier bourguignon ! C’est son ami, le sculpteur Henry Martinet, qui réalisa cette pièce, une copie du chef-d’oeuvre de Pompon, L’ours Blanc, conservé au Musée d’Orsay à Paris.

Qui était François Pompon ?

François Pompon est né à Saulieu, petite ville nichée dans le Parc Naturel Régional du Morvan, en 1855. Dès l’âge de 14 ans, Pompon travaille à Dijon comme tailleur de pierre. Il commence sa formation artistique à l’Ecole des Beaux-Arts de Dijon en 1870, et la poursuit en 1875 à l’Ecole des Arts Décoratifs de Paris. Excellent praticien, il travaille aux côtés de plusieurs sculpteurs reconnus de l’époque et devient même le chef d’atelier d’Auguste Rodin en 1893 ! Mais il œuvre dans l’ombre du maître et peine à se faire connaître.

Un des premiers sculpteurs animaliers

En 1906, Pompon commence à se désintéresser de la figure humaine, sujet de prédilection des sculpteurs de l’époque. Au lieu de cela, il préfère représenter des animaux. Pour parvenir à ses fins, Pompon travaille sur le motif. L’été, il dessine des animaux de ferme, de basse-cour ou du gibier à la campagne, et l’hiver, il se rend au Jardin des Plantes à Paris pour croquer des animaux exotiques. Parfois il se déplace avec son établi portatif pour sculpter directement de petites figurines dans la glaise, qu’il reprend ensuite en atelier.

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Animal se dirigeant vers la droite, fin XIXe – début XXe siècle, mine de plomb sur papier, François Pompon, collection du Musée du Louvre, Paris. Copyright Réunion des Musées Nationaux

Genèse d’une oeuvre

Ce n’est qu’en 1922, à l’âge de 67 ans, que François Pompon obtient son premier succès public avec l’exposition de L’Ours Blanc au Salon d’Automne à Paris. S’éloignant de l’expressionnisme des figures d’un Auguste Rodin, Pompon cherche une autre voie expressive qu’il trouvera dans l’épure des formes. Il cherche avant tout à saisir « l’essence même de l’animal » qu’il traduit souvent dans des formats monumentaux. Pompon commence par représenter son sujet avec une foule de détails qu’il simplifie peu à peu, ne gardant que les formes pleines et les lignes essentielles. Ses œuvres semblent ainsi universelles et intemporelles ! Maitrisant parfaitement les formes de cet Ours Blanc, Pompon parvient à rendre le mouvement de l’animal qui semble vivant. Alliant l’utilisation des matériaux traditionnels, comme la pierre, le marbre ou le bronze, tout en s’inspirant des dernières tendances artistiques, des sculptures épurées de Brancusi aux formes géométriques des cubistes, Pompon aboutit à un équilibre des formes et à une grande beauté.

Pour voir les œuvres de Pompon

Pour découvrir d’autres œuvres de notre sculpteur bourguignon, rendez-vous au musée François Pompon à Saulieu, qui consacre une salle aux œuvres de l’artiste, dont certaines de jeunesse. En ville, vous pourrez également voir un magnifique Taureau en bronze. Le Musée des Beaux-Arts de Dijon possède plusieurs pièces du sculpteur. Le Musée du Louvre conserve de nombreux de ses dessins, tandis que le Musée d’Orsay expose, entre autre, L’Ours Blanc original de l’artiste.

Le Pain d’épices de Dijon

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Le pain d’épices est une gourmandise appréciée dans de nombreux endroits du monde, et à différentes époques, délicieuse en cette période de l’année. En France, Dijon et Reims affirment toutes les deux être la capitale du pain d’épices ! Pourtant ces deux ville n’ont pas la même recette.

En Bourgogne, le pain d’épices est fait à partir de farine de froment, de miel et de différentes épices.

Les Grecs et les Romains consommaient déjà des « pains de miel » durant l’Antiquité. Mais c’est en Chine que la recette telle qu’on la connait aujourd’hui apparaît. Les Arabes la rapportèrent en Orient, où elle fut découverte par les Européens lors des croisades.

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A Dijon, le premier pain d’épices est mentionné dans les textes en 1711. Mais la légende rapporte que le Duc de Bourgogne Philippe le Bon aurait gouté une galette au miel à Courtrai en 1452, et que, séduit par le mets, il aurait invité le pâtissier en Bourgogne !

Au XVIIIe siècle, le pain d’épices est vanté dans de nombreux ouvrages pour ses vertus sur la santé. Si les vertus médicales de ce gâteau sucré sont aujourd’hui discutables, on connaît cependant les nombreux bénéfices du miel et des épices sur la santé.

Plusieurs artisans proposent aujourd’hui de très bons pains d’épices à Dijon, comme Mulot et Petitjean ou la Maison Toussaint.

Je vous propose une recette pour réaliser votre pain d’épices qui accompagnera à merveille fromages, foie gras et autres desserts…

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Préparation : 15 minutes

Cuisson : environ 50 minutes

Ingrédients (6 à 8 personnes)

250g de miel

15cl de lait

50g de beurre

1 sachet de levure chimique

2 jaunes d’oeufs

Salon_de_l'agriculture_2011_-_Vanille_de_Tahiti_-_011 gousse de vanille

1 cuillère à café de cannelle en poudre

1 cuillère à café de muscade en poudre

1 cuillère à café de gingembre en poudre

1 cuillère à café de clou de girofle moulu

(ou a défaut utilisez un mélange quatre épices)

Préparation :

Préchauffez le four à 150°. Dans une casserole faites chauffer à feu doux le lait, le miel et le beurre. Récupérez les grains de vanilles et ajoutez les à la préparation.

Dans un saladier mélangez la farine, la levure et les épices. Versez ensuite le contenu de la casserole dans la préparation et mélangez jusqu’à l’obtention d’une pâte homogène. Incorporez les jaunes d’oeufs.

Beurrez un moule à cake, versez la préparation et enfournez pendant environ 50 minutes.

Astuce : Le pain d’épices se conserve plusieurs jours. Servi avec du foie gras, il est meilleur légèrement rassis !