Le château de Guédelon, ou l’art de la construction médiévale

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Vue d’ensemble du château de Guédelon, un chantier médiéval à Treigny, dans l’Yonne.

Les bourguignons sont parfois étonnants ! Au cœur de la Puisaye, dans l’Yonne, des hommes et des femmes relèvent un défi hors du commun : construire un château fort avec les techniques et les matériaux du Moyen Age. Visite d’un chantier à la fois archéologique, pédagogique et touristique de grande ampleur.

La folle histoire du chantier médiéval

Michel Guyot est l’initiateur de cette idée folle. Passionné de patrimoine et de vieilles pierres, l’homme avait déjà racheté en 1979 le château de Saint-Fargeau, alors en ruine. Plusieurs années de travail acharné, et l’organisation chaque été d’un spectacle historique, auront permis à Michel Guyot et aux nombreux bénévoles de la région de remettre sur pied l’édifice. Une étude archéologique du château de Saint-Fargeau permit de mettre au jour les fondations du XIIIè siècle. L’idée germa alors dans l’esprit de son propriétaire de construire un château fort de toute pièce afin de comprendre comment travaillaient les bâtisseurs du Moyen Age. Aidé de quelques autres passionnés, et par l’association de réinsertion par le travail Emeraude, Michel Guyot parvint à donner naissance à son projet en 1997. L’année suivante le chantier fut ouvert au public, un public de curieux qui vient nombreux chaque année voir l’avancée des travaux, prévus pour durer 25 ans. Le chantier est piloté par une association et encadré par un comité scientifique qui croise les données théoriques et scientifiques pour valider, à chaque étape de construction, les choix et les options retenus. Les plans du château de Guédelon ont été dessinés par Jacques Moulin, architecte en chef des monuments historiques. Cinquante « oeuvriers », comme on les appelle là-bas, travaillent sur ce chantier depuis le départ, aidés durant l’été par des saisonniers, mais aussi par quelques bénévoles et apprentis désireux d’apporter leur pierre à l’édifice !

Archéologie expérimentale

L’idée maîtresse du projet est de recréer un chantier de construction tel qu’il aurait réellement pu exister au Moyen Age et ainsi de percer les secrets et les techniques des bâtisseurs médiévaux. Contrairement à l’archéologie classique, qui observe et décortique le bâti existant pour en tirer des informations, l’archéologie expérimentale part de zéro et met en pratique des techniques diverses pour construire un ouvrage, permettant observations directes et découvertes probantes. Cette démarche permet de concrétiser des idées, de mettre en pratique des théories et de vérifier des hypothèses.

aménagement du cintre de la voute d'aretes ©Château de Guédelon
Aménagement du cintre en bois préalable à la construction de la voûte d’arrêtes de la Tour maîtresse du château, l’occasion de bâtir une voûte selon les techniques médiévales. ©Guédelon

Le comité scientifique est en permanence confronté à des choix entre plusieurs options pour poursuivre la construction de ce chantier expérimental jamais mené. Le processus de décision repose sur la constitution d’une base de données d’informations mise à jour en permanence. Les sources de connaissance sont diverses : relevés de données sur des sites comparables et sources écrites (rapports archéologiques, livres, articles…). La base de données permet de rassembler des informations sur les châteaux de la fin du XIIè siècle au XIVè siècle, et ainsi de mettre en avant les particularités de l’architecture philipienne dans laquelle s’inscrit le château de Guédelon. L’architecture philipienne regroupe les constructions fortifiées érigées sous Philippe-Auguste, roi de France de 1180 à 1223, et ses successeurs. Ces châteaux forts remplaçaient les anciennes mottes féodales, moins élaborées. Les modèles du genre sont le château du Louvre à Paris, et ceux de Ratilly ou de Druyes-les-Belles-Fontaines dans l’Yonne.

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Le château de Ratilly, dans l’Yonne, un exemple des châteaux d’architecture philipienne des XIIè et XIIIè siècles.

Cette méthode a permis aux bâtisseurs de Guédelon de régler des problèmes précis rencontrés sur le chantier, comme la construction des meurtrières. Ces fentes, aménagées dans les tours et créneaux du châteaux, permettaient aux archers et arbalétriers de défendre le château par des tirs de flèches en cas d’assaut extérieur. A Guédelon, les maîtres d’ouvrage se sont questionnés sur la forme, les dimensions, l’angle d’ouverture interne et l’angle de tir de ces archères. Après avoir relevé les données correspondant aux meurtrières dans les châteaux philippiens de la région, il a finalement été décidé de privilégier la solidité des murs au détriment de l’ouverture de l’angle de tir, unidirectionnel. Cette faille dans la défense de la forteresse sera contrebalancée par le décalage des fenêtres de tir au différents étages de la tour.

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Une meurtrière dans la salle de tir au château de Guédelon. ©Guédelon

La recherche d’authenticité maximale dans les techniques employées sur ce chantier médiéval se sont cependant heurtées à la sécurité et à la législation actuelle qui en découle. La construction des engins de levage a ainsi été testée et validée par une commission de sécurité avant leur utilisation. En effet, au Moyen Age, les cages à écureuils remplaçaient les grues ! Aux vues des expérimentations menées sur le chantier de Guédelon, il a été constaté qu’un homme seul pouvait, en marchant sans effort dans une cage en bois en forme de roue, soulever un poids de 180 kg jusqu’à 4 mètres de haut, par le biais d’une poulie et d’une corde enroulée autour d’un axe.

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Les cages à écureuils sur le chantier de Guédelon, cage simple et cage à double tambour. ©Guédelon

Le choix du site, la richesse des matériaux

En plus des techniques mises en oeuvre, les matériaux utilisés sont naturels et extraits directement sur place. C’est d’ailleurs la richesse du site en ressources naturelles qui a déterminé l’emplacement du château de Guédelon, comme il était d’usage durant l’époque médiévale. Le transport était alors coûteux, et les taxes et péages pouvaient doubler le prix des marchandises ! Le chantier prend donc place dans la campagne poyaudine, non loin de la forêt et de l’étang de Guédelon, rattachée à la commune de Treigny. Une ancienne carrière de pierre a été remise en service pour l’occasion. Les carriers du chantier y extraient à la main une pierre calcaire ferrugineuse, dont la couleur va du noir au miel en passant par toutes les teintes d’ocre. Les blocs extraits sont ensuite transportés soit par les hommes, à l’aide de brouette ou de brancard, soit par charrette à cheval. En fonction de la qualité des blocs, ils seront utilisés bruts par les maçons pour monter les murs, ou façonnés par les tailleurs de pierre pour servir au parement de l’édifice.

la foret de Guédelon ©F. Folder (DR)
Vue du site du château de Guédelon au début des travaux de construction. ©Guédelon

La forêt voisine fournit le bois. Les essarteurs abattent les arbres, avant que les scieurs de long débitent les troncs en planches et poutres pour la construction des planchers et charpentes. Les essences les moins nobles sont utilisées pour la fabrication du charbon de bois, utile dans la vie du village médiéval qui s’est installé autour du chantier.

Abattage d'un chêne ©Guédelon
Abattage d’un chêne pour la construction du château. © Guédelon

Du grès ferrugineux de la carrière est aussi extrait le minerai de fer. Porté à une température de 1000° dans des fours en argile pendant plusieurs jours, le minerai fournit un bloc de fer plus ou moins pur qui sera travaillé par le forgeron et transformé en outils, clous, gonds, et ferrures pour le chantier.

forgerons ©Guédelon
Les forgerons au travail. ©Guédelon

Le sol fournit également le calcaire permettant l’obtention de chaux qui entre dans la fabrication du mortier médiéval, gage de solidité des murs. Enfin, la terre argileuse de Puisaye est utilisée crue, pour la confection du torchis et des briques, ou cuite pour la fabrication des poteries et des tuiles utilisées sur le site.

Visite du chantier

Selon la tradition des châteaux dits philippiens, Guédelon présente un plan polygonal constitué de hautes courtines (épais murs de protection), entouré d’un fossé sec. Les angles de l’édifice sont équipés de tours cylindriques à archères. Au fond de la cour du château, entre deux tours, se trouve le logis du seigneur.

plan de Guédelon © Chateau de Guédelon
Les plans du château de Guédelon respectent la tradition des édifices d’architecture philipienne. ©Guédelon

Le chantier a démarré en 1997 par la préparation du terrain, puis par la délimitation du périmètre du château qui, monté pierre après pierre, sort progressivement de terre, grandissant de quelques mètres chaque année. Dès le début de l’aventure ont également été construits les différents abris et granges dédiés au travaux du village et à l’accueil des visiteurs. Les carriers sont très sollicités dès le début du chantier pour monter les murs du château qui atteignent déjà un mètre en 1998. Rapidement, les forgerons s’activent pour produire les outils nécessaires au chantier, tandis que les tuiliers commencent la production intensive de pavements de sol pour la grande salle du logis. Alors que les murs continuent à se dresser, la citerne d’approvisionnement en eau du château est achevée en 2001 et le puits coiffé de sa margelle.

Carreaux de pavement ©Guédelon
Carreaux de pavement. ©Guédelon

L’année 2002 est cruciale. Le premier ouvrage d’art est réalisé sur le chantier. La voûte sur croisée d’ogives de la tour de la chapelle est dressée. En 2003 c’est la voûte d’arêtes de la cave de la tour maîtresse du château qui est bâtie avec succès. Le périmètre du château, qui dépasse désormais les trois mètres de hauteur, nécessite la construction, par les charpentiers, de deux cages à écureuils pour lever les pierres. En 2004, les efforts des ouvriers se portent sur le logis du seigneur qui sort de terre. La cuisine équipée d’un four à pain, ainsi qu’un cellier pour entreposer les vivres sont initiés. 2005 est l’année de la consécration de la tour maîtresse qui atteint désormais dix mètres de hauteur. Son énorme voûte d’ogives est réalisée. C’est plus de 120 tonnes de pierres et de maçonneries qui sont désormais en suspension.

vue du chateau de 2007 ©Chateau de Guédelon
Vue du chantier du château de Guédelon en 2007. ©Guédelon

En 2006 et 2007 le logis continue à s’élever. Il est équipé d’un grand degré (escalier en pierre). L’escalier à vis de la tour maîtresse continue lui aussi à se dresser, marche après marche. En 2008 ce sont les premiers éléments de la charpente du logis qui sont posés. Le travaille progresse bien.

Voute d'orgive et escalier à vis
Voûte d’ogive et escalier à vis dans la tour maîtresse. ©Guédelon

En 2011 s’est achevée la construction de la plus importante voûte du chantier, au premier étage de la tour maîtresse, en lieu et place de la chambre du seigneur. En 2012 commencèrent la réalisation des premières peintures murales et décorations intérieures du château, comme la pose des carreaux de pavement. En 2013 a commencé l’élévation de la chapelle dans la tour du même nom, reliée au logis par le chemin de ronde. Le chantier devrait être achevé en 2022…

Le village médiéval

Autour du château, c’est tout un village qui s’est organisé pour faire vivre le chantier ! Outre les maçons, charpentiers, carriers, forgerons qui ont leurs cabanes de travail, de nombreux petits métiers s’activent. Ainsi les potiers fabriquent avec l’argile locale aussi bien les carreaux et tuiles du chantier, que les nombreux bols, ramequins et ustensiles nécessaires à la vie quotidienne des ouvriers. Les vanniers sont chargés de la fabrication de solides paniers destinés au transport des outils et matériaux sur le chantier. Plus loin, des cordes sont fabriquées dans un atelier à partir de fibres de chanvre. Depuis 2012, un moulin hydraulique à farine a pris du service sur le chantier. Le pain est ensuite confectionné et cuit dans la cuisine du château où sont par ailleurs réalisées des démonstrations de cuisine médiévale. A ne pas manquer !

carriers fandant un bloc ©Guédelon
Carriers fendant un bloc de pierre. ©Guédelon

Lors de votre visite vous pourrez découvrir le chantier de construction du château mais aussi toute la vie du village. Vous assisterez à des démonstrations diverses et pourrez observer les ouvriers, en costume médiéval, travailler à leur tâches. De belles découvertes en perspective où apprendre devient un jeu d’enfant !

Caractères, le festival international du livre revient ce week-end à Auxerre !

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©Association Auxerre Livres et Eric Guet.

Du 22 au 24 mai aura lieu la 2ème édition du Festival Caractères à l’Abbaye Saint-Germain à Auxerre. C’est l’occasion de faire une plongée dans la littérature contemporaine internationale et originale, mais aussi dans le monde actuel et ses problématiques. Echanges et débats en perspective… Caractères est un festival littéraire créé en 2014 et géré par l’Association Auxerre Livres, présidé par Isabelle Poifol-Ferreira. Déjà, la première édition avait réuni un milliers de spectateurs sur trois jours. Aussi, cette année la recette n’a pas changé. Grégoire Courtois, programmateur de l’évènement et gérant de la librairie Obliques, a réuni une douzaine d’auteurs venus du monde entier. Le déjà très beau cloître de l’abbaye Saint-Germain, rempli de transats pour l’occasion, va raisonner ce week-end de conversations qui promettent d’être riches et étonnantes, si l’on en juge par les personnalités invitées…

photo Eric Guet
Les festivités ont commencé dans le cloître de l’Abbaye Saint-Germain. ©Eric Guet.

A l’honneur

Cette année c’est l’espagnol José Carlos Somoza qui est l’invité d’honneur du festival. Psychiatre espagnol, l’homme s’est d’abord intéressé aux tréfonds de l’âme humaine avant de se consacrer à l’écriture de romans énigmatiques comme La Caverne des Idées, sorte de polar antique à double enquête, celle du héros et celle du traducteur. Son dernier ouvrage, Le Tétraméron, est un roman initiatique ou les récits s’imbriquent dans une ambiance gothique et sombre. Grégoire Courtois reviendra sur son œuvre, en présence de l’écrivain, lors d’une rencontre samedi 23 mai à 17h30. la-caverne-des-idees-61934 A l’honneur également, les éditions Mirobole, jeune maison qui déniche des romans et polars étrangers originaux et inclassables ! Ses deux collections annuelles explorent le roman noir et la littérature fantastique. Quatre auteurs les représenteront en ces trois jours dont le moldave Vladimir Lortchenkov et son roman à l’humour noir et tranchant Des Mille et Une façons de quitter la Moldavie, qui aura la parole samedi à 15h. Moldavie

Programme des réjouissances

Vendredi, le festival s’ouvrira par une rencontre autour du roman tunisien francophone et fera une large place à l’actualité de ce pays avec les auteurs Ali Bécheur et Azza Filali. Tous deux amoureux de la langue française, leurs ouvrages sont encore peu connus de ce côté de la Méditerranée. Cette rencontre culturelle sera animée par Emmanuel Khérad, journaliste à France Inter. Samedi et dimanche à 11h auront lieu des rencontres informelles et conviviales autour d’un brunch, grâce au point restauration installé dans le cloître tout le week-end, et des lectures d’extraits des romans des auteurs invités. Le samedi après-midi sera riche en découvertes. Une première table ronde à 14h sera consacrée au nouveau journal hebdomadaire d’actualités au format original,le 1. Eric Fottorino sera présent pour présenter ce format original. Le journal se consacre chaque semaine à un thème d’actualité et laisse la parole à des écrivains. Loin du zapping actuel, le sujet est traité en profondeur et sous des angles différents. La littérature tchèque fera l’objet d’une autre table ronde samedi à 16h, qui promet d’être riche en émotions tant les deux auteurs invités, Patrik Ourednik et Michal Ajvaz, sont différents. Le premier s’intéressera au thème de l’histoire en revenant sur son chef d’oeuvre Europeana, une brève histoire du XXè siècle, déjantée et décalée, mais toujours vraie ! Europeana La première table ronde du dimanche après-midi s’ouvrira sur le thème du voyage au travers des romans de l’auteur russe Yana Vagner et de l’irlandais Dov Lynch. Tous deux, à leur manière, traitent du voyage comme une fuite ou une quête face aux enjeux politiques et sociaux qui résonnent en leur héros. La journée se poursuivra par une rencontre avec Inger Wolf, reine du polar scandinave et se terminera par un dernière table ronde consacrée à la vie cachée des livres où les lectures multiples, les énigmes qui nous résistent et les jeux de construction littéraire feront l’objet de discussions. Durant tout le festival vous pourrez également trouver dans le cloître un point restauration pour faire une pause, ainsi que des animations pour les enfants réalisées par les associations « Lire et faire lire » et « L’idée ludique ». Des comédiens liront ponctuellement des extraits de romans. Dimanche, de 14h à 17h, petits et grands pourront fabriquer leur propre marque-page en compagnie de Frédérique Hervé. Bien sûr vous pourrez retrouvez vos livres préférés sur les tables des librairies Obliques (Auxerre) et l’Autre Monde (Avallon). Retrouver ici le programme complet de l’évènement. Vous pourrez me retrouver samedi et dimanche parmi les nombreux bénévoles du festival !

Bonne découverte littéraire !

La 11è Nuit Européenne des Musées ce week-end en Bourgogne

Nuit-des-musees-2015 La 11ème Nuit Européenne des Musées aura lieu ce week-end un peu partout en Europe, en France et en Bourgogne ! Une occasion de découvrir les musées près de chez vous autrement. A ne pas louper !

Un événement annuel

La Nuit des Musées est une manifestation organisée chaque année autour du 18 mai. Ce sont près de 1300 musées français qui ouvrent leurs portes en nocturne, le plus souvent gratuitement, animés par la volonté d’attirer tous les publics, habitués ou non. L’année dernière, plus de deux millions de visiteurs s’y sont rendus. Les musées proposent à cette occasion des animations variées permettant de découvrir les collections sous un jour nouveau, ou plutôt sous une nuit nouvelle ! Car c’est toute l’originalité de cette manifestation ! La découverte nocturne des œuvres et des lieux, souvent intimidants le jour, favorise l’échange et la rencontre. C’est aussi l’occasion de suivre une visite inhabituelle, d’écouter un concert face aux œuvres, de faire une dégustation, d’écouter le conservateur commenter ses trésors, ou de participer à un atelier ludique.

Manifestations en Bourgogne

La richesse et la diversité des musées de Bourgogne s’offrent à vous ! Ainsi le Musée des Beaux Arts de Dijon, récemment rénové, propose des intermèdes musicaux au milieu des salles d’expositions, où musique et peintures entrent en résonance. Le musée de Nuits-Saint-Georges mise sur le théâtre avec des visites menées par des comédiens. Au Fonds Régional d’Art Contemporain de Dijon, les enfants de 5 à 10 ans pourront s’initier à l’art contemporain lors d’un atelier pratique. Au musée du Vin de Bourgogne à Beaune vous pourrez participer à une découverte sensorielle des cépages bourguignons et même déguster ! N’oubliez pas de passer sur le stand de l’association qui vous informera sur l’avancée du dossier de classement des Climats du Vignoble Bourguignon à l’Unesco. Côté gastronomie, pour pourrez suivre une visite gourmande à l’Imaginarium de Nuits-Saint-Georges. A Cosnes-Cours-sur-Loire, une fois n’est pas coutume, c’est une visite déjantée que vous pourrez suivre, et dans laquelle rien ne se passera comme prévu… Des musiciens vous attendront au Musée des Ursulines de Mâcon pour un voyage musical et artistique. Au Musée Nicéphore Niepce vous pourrez admirer les projections grand format des œuvres du fonds de photographies contemporaines dans la cour du château. Le musée Vivant Denon vous proposera une plongée originale dans les œuvres par les odeurs, tandis qu’à l’écomusée du Creusot-Montceau-le-Mines, ce sont des conteurs qui vous attendent. Bref il y en a pour tous les goûts, et à côté de chez vous !

Opération La Classe l’Oeuvre

Depuis 2013, le Ministère de la Culture et de la Communication favorise le partenariat écoles-musées par le dispositif « La Classe L’Oeuvre ». Durant l’année, les élèves des classes volontaires sont invités au musée pour étudier les œuvres proposées et réaliser un travail artistique et personnel, favorisant une véritable appropriation du patrimoine. Le travail réalisé est exposé dans les musées concernés lors de la Nuit des Musées. Le Museum d’Histoire Naturelle d’Auxerre a ainsi reçu quatre classes de 6è du collège Saint-Jacques de Joigny. Les élèves ont travaillé sur des spécimens-mystères qui seront présentés dans les salles du musée. Saurez-vous les reconnaître ? Retrouvez ici le programme complet de la 3è Nuit Européenne des Musées en Bourgogne.

Art et vin, un mélange détonnant en Pouilly Fumé

affiche FIAAC La 3ème Foire internationale d’Art Actuel en Pouilly Fumé s’est tenue du 30 avril au 3 mai. Artistes et vignerons se sont unis pour offrir une manifestation hors norme. Retour sur cette idée innovante de l’art dans les chais, qui fait son chemin en Bourgogne.

Genèse d’un évènement

Au commencement il y eut un rapprochement entre des artistes, venus installer leur atelier à Pouilly-sur-Loire et alentours, et des vignerons de la fameuse appellation Pouilly Fumé. De cette rencontre naquit l’idée de concevoir un événement destiné à promouvoir et à vendre les oeuvres et les vins. L’Association Les Rendez-vous du Pouilly Fumé a vu le jour en 2012. La première édition de cette FIAAC s’est tenue l’année suivante et connut dès sa création un vif succès.

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Vue de l’exposition d’Eve Domy, Domaine de Congy, 3è FIAAC en Pouilly Fumé 2015. ©Eve Domy.

Une organisation bien rodée

Chaque année un jury professionnel est désigné. Les dossiers des artistes retenus sont alors présentés aux vignerons qui ouvrent pour l’occasion leurs chais et leurs caveaux, transformés en galeries temporaires. C’est là la première clé du succès de cette manifestation ! Outre la sélection très pointue des artistes, c’est de l’accord entre les œuvres et les lieux que naît l’émotion de la visite. Accrochées sur les cuves, ficelées aux casiers de bouteilles, suspendues à un fil de fer ou posées sur un tonneau, les oeuvres entrent en résonance avec l’exploitation viticole qui les accueille. Le vigneron peut ainsi défendre un artiste de son choix. Et certains n’hésitent pas à confier qu’ils n’étaient pas férus d’art. Mais ça, c’était avant…

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Tableau de Pascal Bost exposé au Domaine Caïlbourdin, 3è FIAAC en Pouilly Fumé. ©Pascal Bost.

Accord art & vin

Il faut dire que l’art et le vin partagent de nombreux points communs ! Ils sont d’abord fait par des hommes et des femmes de passion : artistes et vignerons qui partagent le goût du travail bien fait, la rigueur, le plaisir de créer, de transmettre. Une œuvre, comme un vin, est le fruit d’accords, d’assemblages, d’une longue observation et de choix opérés. Ils font tous les deux appel aux sens, et ouvrent sur tout un monde de sensations et d’imagination. Qui auraient cru que vignerons et artistes aient autant de points communs?

L’expérience de la rencontre

La seconde clé du succès de la FIAAC tient aux multiples rencontres qu’elle opère, entre artistes et vignerons – les artistes sont hébergés dans les domaines durant toute la durée de la manifestation – mais aussi entre le public et les artistes, entre le public et les vignerons. Rares sont les occasions de discuter avec l’artiste devant ses œuvres, de découvrir sa démarche, de percer à jour une inspiration, ou de comprendre une technique. Rares sont également les occasions d’échanger avec les viticulteurs, de saisir leur amour de la terre, de partager leurs convictions environnementales, de percer leurs choix de méthodes de culture, et de percevoir leur patte derrière chaque arôme. Le visiteur est ici comblé par ces échanges passionnés et passionnants !

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Exposition de Marion Robert dans la cave du Domaine Marchand et Fils, 3è FIAAC en Pouilly Fumé. ©Marion Robert

Quelques duos choisis

Muriel Napoli

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Les oeuvres minérales de Muriel Napoli dans la cave du Domaine Masson-Blondelet, 3è FIAAC en Pouilly Fumé. ©Muriel Napoli

Muriel Napoli a exposé ses oeuvres minérales et organiques au Domaine Masson-Blondelet. Ses tableaux délicats dans les nuances de gris, où pointe désormais une touche de couleur, bleu parcimonieux, évoquent la transformation permanente de la nature, entre sédimentation et concrétion. Sa technique se partage entre lavis fluide et transparent et accumulation de peinture, petits amas comme des météores. Les formes abstraites ainsi obtenues évoquent parfois des pétales de fleurs qui se marient parfaitement à la voûte de la cave. Tout aussi attentif à la nature est le propriétaire des lieux qui pratique une culture raisonnée. Peu attaché aux labels et autres appellations, il cultive pourtant ses vignes dans le respect des écosystèmes et parle passionnément de ses vins. Les différents terroirs de l’AOC Pouilly Fumé – marnes kimméridgiennes, sols calcaires ou silex – s’expriment pleinement dans ses différentes cuvées.

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Tableau de Muriel Napoli au Domaine Masson-Blondelet, 3è FIAAC en Pouilly Fumé. ©Muriel Napoli

Héloïse Guyard

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Oeuvres graphiques d’Héloïse Guyard au Château de Tracy, 3è FIAAC en pouilly Fumé. ©Eloïse Guyard

Le raffinement des œuvres d’Héloïse Guyard a trouvé un cadre parfait au Château de Tracy ! Elle y a exposé ses motifs répétitifs, presque obsessionnels de fin tressages, de mailles et de cordages tracés au pinceau ou au crayon qui colonisent pages de carnets, tissus et même le sol du chais ! Son travail original et très personnel a d’ailleurs été salué par le jury qui lui a attribué le Grand Prix de la FIAAC 2015.

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Tressage au sol d’Héloïse Guyard au Château de Tracy, 3è FIAAC en Pouilly Fumé. ©Heloïse Guyard

Nicolas Gasiorowski

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Exposition de Nicolas Gasiorowski à la cuveriez du Domaine du Bouchot, 3è FIAAC en Pouilly Fumé. ©Nicolas Gasiorowski

Nicolas Gasiorowski exposait ses toiles à la fois contemplatives et narratives au Domaine du Bouchot. Les cuves en inox du domaine constituaient des cimaises originales pour les œuvres de l’artiste qui se partagent entre paysages et figures humaines. L’homme parle avec passion de sa démarche artistique. Ses « paysages mentaux » ou ses figures quasi mythiques sont tirés de son imagination. Une urgence créatrice l’anime. Elle est palpable dans la touche de l’artiste et dans les nuances très travaillées des fonds colorés. Le tout est généralement rehaussé d’un trait de pastels à l’huile, surgissement de la réalité. Rachel et Pascal Kerbiquet, propriétaires du domaine du Bouchot proposent, en écho aux œuvres exposées, une belle gamme de Pouilly Fumé travaillée en agriculture biologique.

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Tableaux de Nicolas Gasiorowski au Domaine du Bouchot, 3è FIAAC en Pouilly Fumé. ©Nicolas Gasiorowski

Marion Robert

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Exposition de Marion Robert dans la cave du Domaine Marchand et fils, 3è FIAAC en Pouilly Fumé. ©Marion Robert

L’étrange réalité des oeuvres de Marion Robert, exposées au Domaine Marchand et Fils, a trouvé un écho parfait dans la cave brute des frères Marchand, accrochées ou posées au milieux des tonneaux et autres outils viticoles. Le lieu, chargé d’histoire, entre en résonance avec les créations de la jeune artiste qui commence par travailler ses fonds à l’huile ou à l’acrylique, avant de souligner d’un trait les figures imaginaires qui en émergent. L’artiste construit ses toiles sans préméditation. Poétiques, elles sont peuplées de figures évocatrices, parfois torturées à la manière d’un Egon Schiele, et de paysages imaginaires.

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Oeuvre de Marion Robert au Domaine Marchand et Fils, 3è FIAAC en Pouilly Fumé. ©Marion Robert
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Tableau de Marion Robert au Domaine Marchand et Fils, 3è FIAAC en Pouilly Fumé. ©Marion Rober

Dominique Pivin

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Exposition de Dominique Pivin au Domaine Landrat-Guyollot, 3è FIAAC en Pouilly Fumé. ©Dominique Pivin

Purement abstraites, les œuvres brutes de Dominique Pivin, exposées au tout nouveau caveau de dégustation du domaine Landrat-Guyolot, explorent la matière. Rouille, oxydation, traces, matière picturale grattée ou frottée sont au cœur de la recherche de l’artiste qui travaille avec des tons naturels d’ocres, faisant presque oublier que ces tableaux sont le fruit de main de femme.

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Tableau de Dominique Pivin au Domaine Landrat-Guyollot, 3è FIAAC en Pouilly Fumé. ©Dominique Pivin

Eve Domy

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Exposition d’Eve Domy au Domaine de Congy, 3è FIAAC en Pouilly Fumé. ©Eve Domy

Ce mêmes tons ocre peuplent les œuvres d’Eve Domy, une artiste installée au cœur du village de Pouilly, exposée cette année au Domaine de Congy. Travaillant par couches successives, et mêlant peinture à l’eau et à l’huile, Eve Domy joue sur les effets de transparence et de matière par l’ajout de papiers collés et de matériaux divers (plâtre, ciment…). Son univers doux, emprunt de poésie, est peuplé de silhouettes délicates, d’enfants et de mères.

Pouilly sur Loire
Le village de Pouilly-sur-Loire où se déroule chaque année la Foire Intrenationale d’Art Actuel dans les chais en Pouilly Fumé. ©Office de Tourisme de Pouilly-sur-Loire et sa Région

La FIAAC de Pouilly Fumé est désormais un rendez-vous qui attire chaque année de plus en plus de visiteurs français et étrangers. Elle a confirmé cette année encore son professionnalisme et la belle sélection d’artistes exposés. Certains vignerons confient même leur envie de prolonger l’expérience, et peut-être d’inviter des artistes à exposer dans le chais le reste de l’année !

Quand les parisiens se chauffaient au bois du Morvan : la tradition du flottage du bois

Encyclopédie méthodique Art et métiers mécaniques 1784
Gravure montrant un train de bois extrait de l’Encyclopédie Méthodique Arts et Métiers Mécaniques, 1784

La Bourgogne est une terre de bois, de forêts et de rivières. Pendant près de quatre siècles, les forêts du Morvan approvisionnèrent Paris en bois de chauffage. C’est toute une économie du bois qui se mit en place dans la Nièvre pour répondre à la demande.

Pénurie de bois dans la capitale !

A la fin du Moyen Age, Paris se développe rapidement et gagne de nombreux habitants. La capitale, occupée par 300 000 personnes au début du XVIè siècle compte pas moins d’un million d’habitants au XIXè siècle. Le bois est alors le combustible le plus utilisé aussi bien pour les activités domestiques qu’artisanales et pré-industrielles. Après avoir abattu les forêts entourant la capitale, les Parisiens connurent une véritable pénurie de bois dès le XVIè siècle. C’est sous l’influence de la noblesse parisienne, dont de nombreuses familles possédaient des fiefs en Bourgogne, que vint l’idée de s’approvisionner dans les forêts du Morvan.

En Morvan, des forêts mais pas de route

Le Morvan, riche en forêts et en bois, n’en était pas moins dépourvu d’axes routiers ! Il fallut donc trouver un autre moyen de faire parvenir le bois jusqu’à Paris. Le massif étant gorgé d’eau, de rivières et de ruisseaux, on utilisa donc une méthode déjà employée dans d’autres régions : le flottage du bois. Cette activité permit à Paris de se chauffer de 1547 jusqu’au milieu du XIXè siècle. Dès le XVIè siècle, Clamecy se spécialisa dans le flottage du bois. Des quartiers entiers étaient occupés par des familles de flotteurs, sous le patronage de Saint-Nicolas. C’est ainsi que les paysans morvandiaux se mirent à couper du bois et à tailler des bûches tout l’hiver. La foire au bois de Château-Chinon qui se déroulait au mois de novembre marquait le début de la saison par la vente des lots par les propriétaires forestiers. Les hommes sélectionnaient les arbres à abattre, des feuillus, puis débitaient les bûches avant de les frapper de la marque du propriétaire. Les buches, ou « moulées » étaient ensuite transportées par charrettes attelées de bœufs jusqu’aux berges des rivières où elles étaient empilées.

foire aux bois
Article de presse annonçant la foire aux bois de Château-Chinon en 1910. ©http://www.19e.org/documents/economie/clamecy.htm

Le flottage du bois

Au printemps, la compagnie de flottage du bois autorisait le jetage. Hommes, femmes et enfants s’affairaient à déverser les bûches par centaines dans la Cure et ses affluents. Les étangs et les barrages de la région étaient ouverts pour créer une crue artificielle qui favorisait le flot du bois : c’est le flottage à bûches perdues. Sur les rives, des dizaines d’hommes et de femmes étaient chargés de rejeter à l’eau les bûches échouées. Sur le flot des bûches, les flotteurs munis de longues perches terminées par des accrocs de fer à deux dents étaient chargés de piquer les bois qui s’amoncellaient sur les rochers et formaient un embouteillage. Le poste était terriblement risqué ! En cas de débâcle, l’ouvrier se retrouvait à l’eau, bien souvent broyé par le bois. Le flot se déplacait en moyenne à 100 mètres par heure.

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Le flottage à bûches perdues sur l’Yonne et la Cure jusqu’à Clamecy

La construction des trains de bois

A cette période de l’année, les Clamecycois attendaient avec hâte le fracas des premières bûches dans la rivière, signalant le début du travail. Les flots de bois arrivant du Morvan étaient interceptés dans les ports de Clamecy et alentours (Vermenton, Reigny, Arcy-sur-Cure…). Les bûches étaient extraites de l’eau avec des crocs et des picots : c’est le tirage. Elles étaient ensuite transportées par brouettes dans des ateliers où elles étaient triées et rassemblées par marques de propriétaires, étape du tricage. On procédait ensuite à leur empilage de façon rigoureuse, perpendiculairement à la rivière. Commençait alors la fabrication des trains de bois, dont la réglementation alla croissante au fil des siècles.

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Arrivage du bois à Clamecy

Un travail d’équipe

La fabrication d’un train de bois occupait environ six personnes pendant une semaine. Ils étaient généralement long de 72 mètres et large de 5 mètres et formés par environ 200 stères de bois. Un train était composé de deux « parts » de 36 mètres chacune. Partant de Clamecy, les parts étaient ensuite assemblées par deux pour former un train complet dans le port de Chatel-Censoir, la rivière s’élargissant à cet endroit permettait le passage des trains. Chaque part était composée de 9 coupons, sortes de structures en bois ressemblant à des cages et dans lesquelles on disposait les bûches. Le tout était assemblé par des rouettes, liens obtenus par torsion de fines tiges de bois défibrées. On disposait 4 à 5 couches de bois superposées dans chaque part. Le flotteur était le chef de ce chantier colossal sur lequel travaillaient des tordeurs et tordeuses qui fabriquaient les rouettes, un approcheur chargé d’approvisionner le chantier, un garnisseur qui assemblait les bûches, ainsi que plusieurs compagnons.

arrivée flot et tirage bois
Arrivée du flot et tirage du bois empilé ensuite le long de la rivière.

Navigation pour Paris

Au XIXè siècle, le départ des trains était conditionné par l’ouverture des barrages d’eau entre Armes (Nièvre) et Régennes (Yonne) qui permettaient de grossir artificiellement le flot, permettant aux trains de bois de descendre le courant de l’Yonne puis de rejoindre la Seine jusqu’à leur arrivée à Paris, Quai de Bercy. Les trains étaient conduits par un adulte et un enfant de Clamecy à Auxerre, puis par deux adultes d’Auxerre à Paris, où leur entrée au port était très contrôlée. La conduite de ces embarcations était une tâche ardue et dangereuse, ayant causé de nombreux accidents. Debout sur les bûches, les flotteurs n’avaient que leur perche ferrée pour guider le train dans les flots. Il fallait naviguer une dizaine de jours avant d’arriver à Paris.

passage du pertuis Clamecy
Passage du pertuis de Clamecy avec le train de bois.

Les risques du métier

Plusieurs risques menaçaient le parcours des trains de bois. Il arrivait que le train s’échoue sur les fonds sableux de la rivière ou encore qu’il soit poussé en travers des flots, l’arrière naviguant plus rapidement que l’avant. Mais le plus risqué était encore le passage des pertuis et des ponts où le train pouvait s’échouer dans les piles.

L’arrivée à Paris

Les trains arrivaient un par un à Paris où ils étaient réceptionnés dans plusieurs ports de la ville. Ils étaient alors séparés, « déchirés », puis les bûches étaient extraites de la rivière par les berges aménagées en pentes douces, puis empilées par rangées reliées entre elles et formant un « théâtre ». Le travail était fait par les « débardeurs » dans des conditions difficiles. Les flotteurs devaient alors rejoindre leur point de départ à pied, généralement en 4 jours.

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Aux flotteurs de Clamecy, statue allégorique réalisée par Robert Pouyaud en 1945, Pont de Bethléem, Clamecy. ©http://www.canal-du-nivernais.com

Des aménagements nécessaires

Après plusieurs essais infructueux, le premier train de bois du Morvan arriva dans la capitale en 1547, sous l’impulsion de Charles Leconte. Dès 1549 les premiers aménagements le long du parcours furent créés. Jean Rouvet imagina la construction de biefs et de barrages permettant de retenir les eaux de la Cure et de l’Yonne et de provoquer les crues artificielles facilitant la navigation des trains. Au fil de l’exploitation des rivières par les compagnies parisiennes, c’est toute une économie qui se mit en place pour entretenir les cours d’eau, aménager les berges, construire les ports, relais et écluses nécessaires. C’est en 1804 que le trafic fut le plus intense. Ce sont plus de 5000 trains de bois qui arrivèrent cette année là à Paris ! Au XIXè siècle les compagnies de flottage rencontrèrent plusieurs difficultés majeures. Le prix du charbon, bien inférieur à celui du bois, constitua une concurrence certaine. Le déboisement du Morvan eut pour conséquence l’asséchement des cours d’eau. Des aménagements furent nécessaires afin de relancer et de moderniser l’activité. En 1843 débuta la construction du barrage des Settons. Les anciens pertuis en bois furent également reconstruits en pierre à partir de 1852. Afin de faciliter le transport des marchandises vers la capitale, l’idée de la construction d’un canal reliant le bassin de la Loire à celui de la Seine fit son apparition sous le règne d’Henri IV. C’est finalement Louis XVI qui signa le début des travaux d’une rigole. Le tunnel de la Collancelle fut le premier ouvrage percé près des étangs de Baye et de Vaux. La construction du Canal s’acheva en 1841.

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Carte du Canal du Nivernais. ©http://www.canal-du-nivernais.com

La fin d’une ère

Avec la Révolution industrielle française au XIXè siècle, le charbon fit son apparition et concurrença le bois. Le développement du chemin de fer dans la seconde moitié du siècle constitua une alternative sérieuse au transport de marchandise. Il fut finalement décidé par un arrêté de 1881 d’arrêter le flottage du bois, devenu peu rentable. L’activité reprit ponctuellement jusqu’au début du XXè siècle dans une moindre mesure. Les compagnies continuèrent l’exploitation du bois pendant plusieurs années, acheminé à Paris par des péniches, plus lentes mais moins coûteuses que les trains de bois.

En 2015, un nouveau train de bois pour Paris

A Clamecy, la tradition des flotteurs de bois reste dans les esprits. Chaque été au 14 juillet, les joutes nautiques commémorent le flottage sur la Cure. En cette année 2015, le Canal du Nivernais accueille un nouveau train de bois en hommage à cette tradition disparue ! Construit par Flotescale, un train de bois de 72 mètres de long rejoindra Paris par le Canal du Nivernais, l’Yonne et la Seine. L’embarcation partira de Clamecy le 6 juin et traversera la capitale le 5 juillet. Sur son parcours, les escales seront nombreuses : Chatel-Censoir, Vincelles, Auxerre, Migennes, Sens, Pont-sur-Yonne, Melun, Paris-Bercy et bien d’autres encore ! Des animations seront organisées dans chaque ville à l’occasion de son passage (programme ici). Une occasion de renouer avec la tradition !

Télécharger le programme des escales.

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Thèses et anti-thèses sur la chouette de Dijon

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Chouette, sculpture en relief sur le plan nord de l’église Notre-Dame, Dijon.

Une chouette porte-bonheur

Sise dans la rue éponyme, au cœur du vieux Dijon, quartier historique et populaire de la ville, la chouette veille sur les habitants depuis presque huit siècles, au point d’être devenue l’emblème de la capitale bourguignonne. Mais la chouette de Dijon est loin d’avoir révélé tous ses secrets. Cette petite sculpture en relief orne l’un des contreforts nord de l’église gothique Notre-Dame, bâtie entre 1230 et 1250. Bien connu des dijonnais, le petit rapace nocturne aurait même le pouvoir d’exaucer les vœux si on le caresse de la main gauche, la main du cœur. Attention toutefois de ne pas croiser au même moment le regard de la salamandre, sculptée un peu plus haut sur le mur, qui pourrait alors annuler l’enchantement ! Cette tradition est étonnante, quand l’on sait qu’autrefois les chouettes étaient clouées sur les portes des granges pour conjurer le mauvais sort ! L’animal était signe de mauvais présage.

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Salamandre sculptée sur le flan nord de l’église Notre-Dame, non loin de la chouette.

La rue de la chouette

L’oeuvre est tellement connue qu’elle donne même son nom à la rue qui l’abrite et qui contourne l’édifice religieux par le flan nord. Il s’agit d’une étroite ruelle médiévale appelée dés cette époque « Rue de la chouette ». Plus tard, elle fut rebaptisée « Rue Notre-Dame » dans un élan de religiosité. En 1904, la municipalité la renomma « Rue Eugène Pottier », membre de la Commune de Paris et auteur des paroles de l’Internationale, avant de lui donner le nom de « Gracchus Babeuf », révolutionnaire et inspirateur du communisme. Elle retrouva son nom initial en 1957 !

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Inscription « Rue de la chouette », Dijon.

Des origines inconnues

Cette petite chouette érigée en symbole de la cité ducale fait toujours couler beaucoup d’encre ! Si aucun fait historique ne permet d’affirmer son origine, de nombreuses hypothèses ont été avancées.

Un animal des ténèbres

Parce que la chouette est un rapace nocturne, certains ont vu dans sa présence sur le contrefort de l’église Notre-Dame le symbole des juifs, vivant dans l’ignorance du Christ et dans les ténèbres aux yeux des chrétiens. Au contraire, d’autres y ont vu le symbole du Christ lui-même, aimant les hommes malgré qu’ils vivent dans les ténèbres. Remontant à une tradition paganiste, d’autres encore y virent le symbole d’Athéna, déesse grecque de la raison, de la prudence et de la sagesse qui aurait accompagné les bâtisseurs tout au long de la construction de l’édifice. Plus pragmatique, l’historien dijonnais Eugène Fyot (1866-1937) émit l’hypothèse que l’un des maitres d’oeuvre de l’église Notre-Dame, s’appelant peut-être Monsieur Chouet, aurait signé l’édifice par ce détail sculpté. N’oublions pas que l’église Notre-Dame se trouvait au Moyen Age dans un quartier populaire de la ville. Les maisons à pans de bois brulant très facilement, les villes étaient souvent la proie des flammes, véritable fléau médiéval ! Dans ce contexte, la chouette, animal nocturne vivant dans les greniers, pouvait donner l’alerte en cas de départ d’incendie.

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Façade occidentale de l’église Notre-Dame, Dijon, 1230-1250.

Le duc des ducs

Les dijonnais sont attachés à leur chouette. Pour preuve, caressée depuis plusieurs siècles, la petite sculpture s’est lissée sous les doigts des passants, perdant ainsi les détails de la tête et du plumage. En regardant de plus près, on distingue pourtant deux petites aigrettes sur les côtés de la tête de l’animal, qui ne serait donc pas une chouette, mais un hibou ! Les spécialistes de la Ligue de Protection des Oiseaux affirment qu’aucune chouette au monde ne possède ces petites plumes caractéristique au dessus de la tête ! Ce ne sont pas non plus des oreilles, vu que les chouettes en sont dépourvues. L’hypothèse du hibou remettrait en question plusieurs siècles de tradition dijonnaise et bourguignonne. Mais selon certains passionnés, elle est tout à fait plausible ! Le hibou grand duc pourrait être un hommage rendu aux Ducs de Bourgogne par la riche et influente famille Chambellan, qui fit construire au XVè siècle la chapelle qu’orne aujourd’hui encore l’animal !

Le vol de la chouette

Victime de son succès, la chouette de Dijon a subi des dégradations au début de l’année 2001. La face avant de la statuette a été découpé et dérobé. Jamais retrouvée, elle a été remplacée par un moulage à l’identique. Que l’on se rassure, la chouette aurait retrouvé son pouvoir d’exaucer les vœux !

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Selon la tradition, la chouette exauce les voeux lorsqu’on la touche de la main gauche, la main du coeur.

A voir, à faire

L’Office de Tourisme de Dijon à mis en place le « Parcours de la chouette ». En suivant les pas métalliques insérés dans les pavés, la chouette de Dijon vous guidera au travers d’un parcours en 22 étapes pour découvrir l’histoire de la ville. Un livret disponible à l’Office de Tourisme vous donnera toutes les explications nécessaires.

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Le parcours de la chouette fléché au sol.

L’application du Parcours de la Chouette est également disponible sur smartphones et tablettes.

Et n’oubliez pas de faire un vœu !

La Mise au tombeau du Christ : chef-d’oeuvre de la sculpture Bourguignonne

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Mise au tombeau du Christ, hôpital Fontenilles de Tonnerre (Yonne), vers 1454, pierre, grandeur nature. Visuel tiré de lafrancemédiévale.blogspot.fr

En ce week-end de Pâques, intéressons-nous à l’un des sujets les plus spectaculaires de l’iconographie religieuse chrétienne : les sculptures de Mise au Tombeau du Christ en Bourgogne.

Pâques et la Mise au tombeau du Christ

La Mise au Tombeau de Jésus-Christ constitue l’épisode ultime de la Passion rapporté par les évangiles. Ces textes ont posé les bases de la représentation iconographique de la scène qui se mit progressivement en place à partir du XIIIè siècle. Avant le Xè siècle, aucune représentation littérale de la Mise au Tombeau n’est attestée. Mais c’est principalement aux XVè et XVIè siècles que le thème est le plus présent dans l’art religieux européen. Il constitue la dernière manifestation originale de l’art chrétien au Moyen Age. En effet, il correspond aux préoccupations spirituelles de l’époque où domine la fascination de la mort, et au développement du Mystère de la Passion.

Les origines de Pâques

Rappelons, s’il est nécessaire, que Jésus-Christ aurait été crucifié le vendredi Saint, célébré cette année le 3 avril 2015, après avoir subi la Passion. Ce terme désigne les différentes souffrances qui lui furent infligées de son arrestation à sa mise à mort sur la Croix. Le dimanche de Pâques célèbre la résurrection du Christ après que son tombeau ait été retrouvé vide. Il semble que le terme « Pâques » provienne de l’hébreu Pessa’h, qui signifie passage. La fête religieuse, célébrée par les Juifs, par les Catholiques et les orthodoxes suivant des modalités différentes, symbolise également le retour du printemps et de la lumière pour les païens, et symbolise la vie ! C’est cette idée de l’éclosion de la nature au printemps qui est à l’origine des oeufs  que l’on décore à Pâques, une tradition qui remonte bien avant l’ère chrétienne ! Les oeufs de Fabergé en sont le plus riche exemple.

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Oeuf de Pâques impérial dit Au Pélican, Carl Fabergé, 1897, or, diamants, émaux, perles, ivoire et verre. ©Virginia Museum of Fines Arts

L’iconographie du Saint-Sépulcre dans la sculpture

Les représentations de Mise au Tombeau sont aussi appelées Saint-Sépulcre. Il s’agit de l’ensevelissement du Christ après sa crucifixion. Elles répondent à une iconographie stéréotypée, dictée par les Evangiles, communes à l’ensemble des représentations. La présence des personnages et l’organisation spatiale varient donc assez peu d’une sculpture à l’autre. Si les codes de la représentation sont fixés par les textes, le thème de la Mise au tombeau du Christ fut particulièrement adapté aux recherches artistiques des sculpteurs de l’époque, tournées vers l’expression des sentiments humains. Expressivité des gestes, émotion des visages, accentuation de la dramaturgie par le jeu des drapés furent autant de moyen utilisés par les artistes pour pousser toujours plus loin leur recherche et différencier leur production.

Les mises au tombeau : un thème bourguignon du XVè siècle

Les groupes statuaires de la Mise au Tombeau du Christ se répandent dans les édifices religieux dès le XVè siècle. La Bourgogne constitue alors un foyer d’innovation. Le thème est particulièrement populaire en Belgique et dans les Flandres, mais aussi en Champagne où un atelier troyen est très actif. Les textes mentionnent la présence de cinq personnages autour du corps du Christ. On retrouve parmi eux Joseph d’Arimatie, généralement placé à la tête du Christ. C’est l’homme le plus âgé et son apparence présente des signes de richesse, tels que la bourse à la ceinture. Nicodème, plus jeune, est médecin. Marie-Madeleine constitue le personnage féminin le plus remarquable des Mises au tombeau sculptées car elle canalise souvent l’inventivité des sculpteurs. A ses côtés, deux saintes femmes font office de pleureuses et de porteuses d’onguents. L’adjonction de la Vierge, absente des textes, est une invention des artistes. Incarnant la tristesse, elle est généralement soutenue par Saint Jean. On peut remarquer que les trois personnages masculins représentaient les trois âges de la vie ! En dehors de ces figures codifiées entourant le corps de Jésus, d’autres ont été ajoutées par les artistes, soit dans un souci d’équilibre et de symétrie de la composition, soit pour diversifier les effets formels et plastiques. On peut trouver des soldats-gardiens, souvent représentés assoupis près du tombeau, des anges précurseurs de la Résurrection, ou encore les figures des donateurs et commanditaires. Si les groupes sculptés nous sont parvenus dans la blancheur de la pierre, ajoutant à la sobriété et à la dramaturgie de la scène, la statuaire de Mises au Tombeau étaient systématiquement polychrome jusqu’au début du XVIè siècle !

Tonnerre

Le groupe sculpté de la Mise au Tombeau du Christ de Tonnerre est représentatif du style bourguignon, caractérisé, entre autre, par la disposition de la Vierge près du visage du Christ. Il est aussi l’un des premiers exemples de la région, commandé vers 1454 par le riche marchand Lancelot de Buironfosse aux frères Georges et Jean-Michel de la Sornette, imagiers issus de l’atelier de Claus Sluter. Le groupe sculpté ornait à l’origine l’hôpital Notre-Dame de Fontenille.

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Mise au Tombeau du Christ, Tonnerre. Détail de la sainte femme dite « La bourguignonne ».

Sa composition est savamment ordonnée. Comme dans tous les autres exemples, le corps du Christ constitue l’axe horizontal de la composition. Mais ici la Vierge et saint Jean ont été déportés vers la gauche, pour laisser la place centrale à Marie-Madeleine. Le visage de la Vierge est caché dans l’ombre du voile couvrant ses cheveux, une constante de ce type de représentation. La sainte femme à droite de la composition, portant un vêtement contemporain régional, a été surnommée « la bourguignonne » ! Cette composition précoce est remarquable par les lignes souples, tant dans les gestes que dans le traitement des tissus et des vêtements, qui sont typiques des ateliers bourguignons.

Semur-en-Auxois

La Mise au Tombeau aujourd’hui présentée dans la collégiale de Semur-en-Auxois depuis la Révolution française, a été réalisée vers 1490-91 pour le couvent des Carmes, à la demande d’un couple de bourgeois de la ville. Le groupe est incomplet. Deux anges deuillants sont conservés au musée municipal tandis que deux autres reposent désormais au musée du Louvre à Paris.

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Mise au tombeau du Christ, Collégiale Notre-Dame de Semur-en-Auxois (Côte d’Or), vers 1490-91, pierre polychrome, grandeur nature.

Ici l’horizontalité de la composition est accentué par le linceul dont les plis soulignent le corps du Christ, et par la présence massive du tombeau de pierre. La vierge occupe le centre de la composition, soutenue de part et d’autre par saint Jean et Marie-Madeleine. Les deux femmes saintes, placées aux extrémités de la composition, sont en retrait. L’équilibre de l’ensemble repose sur l’immobilisme des corps, dont les gestes symétriques semblent figés. L’intense émotion des visages vient pourtant contredire cette apparente rigidité. Les plis serrés et cassés des vêtements ainsi que la symétrie et la rigueur de l’ensemble rattachent nettement la sculpture à un style plus médiéval, hérité de la manière de Claus Sluter, imagier des Ducs de Bourgogne. L’oeuvre a ainsi été attribuée à Antoine le Moiturier, suiveur du maître, appelé en Bourgogne vers 1462 pour achever le tombeau du duc Jean-sans-Peur.

Pouilly-en-Auxois

Pouilly en auxois
Mise au tombeau du Christ, chapelle Notre-Dame-Trouvé, Pouilly-en-Auxois (Côte d’Or), 1521, pierre, 150 x 250 cm.

La Mise au Tombeau de Pouilly-en-Auxois, située dans la chapelle Trouvé, rappelle davantage le style renaissant italien. L’oeuvre, à la mise en scène théâtralisée, a été sculptée en 1521. La Vierge, au centre de la composition, cristallise l’intensité dramatique qui se lit sur les visages. Les formes souples et rondes accentuent le pathétisme de la scène et marque l’influence italienne sur l’art bourguignon du XVIè siècle. Une attention particulière a été apportée au traitement du corps du Christ.

Châtillon-sur-Seine

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Mise au tombeau du Christ, Eglise Saint-Vorles, Châtillon-sur-Seine (Côte d’Or), 1527, pierre, grandeur nature.

La Mise au tombeau de l’église de Saint-Vorles de Châtillon-sur-Seine a été réalisée en 1527 et appartient à ce même courant théâtralise influencé par l’art italien de la Renaissance. Le corps du Christ présence ici une stricte rigidité cadavérique, contrairement à l’exemple précédent. Le groupe est conséquent puisque deux soldats-gardiens viennent s’ajouter à la composition, ainsi que les deux donateurs, présentés agenouillés à la manière médiévale. L’expressivité des personnages, l’ampleur des gestes soulignés par les plis des vêtements auxquels ont été ajoutés de nombreux détails (broderies, motifs, mais aussi coiffures et parures) marquent l’italianisme grandissant de l’art renaissant.

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Mise au tombeau du Christ de Châtillon-sur-Seine, détail des vêtements, parures et coiffures sur deux personnages situés à droite du groupe.

Et ailleurs en Bourgogne…

D’autres groupes sculptés sont visibles en Bourgogne ! L’église de l’ancien prieuré de Talant conserve deux sculptures de ce type, « le petit sépulcre », une œuvre miniature ne dépassant pas les 80 centimètres mais à l’intensité émotionnelle forte, et le « grand sépulcre », toutes deux datées du XVIè siècle. L’Eglise Saint-Jean à Joigny possède elle aussi un groupe sculpté de l’ensevelissement du Christ. celui-ci présente la particularité de ne pas avoir été réalisé en Bourgogne mais en Picardie ! Il aurait été commandé par Raoul de Lannoy, seigneur de Folleville (Somme). L’oeuvre est marquée elle aussi par de fortes influences italiennes, son commanditaire étant grand amateur d’art italien et gouverneur de Gênes ! Il s’est d’ailleurs fait représenté sur la face avant du tombeau, son profil inséré dans un médaillon ! La sculpture bourguignonne des XVè et XVIè siècle, et particulièrement le thème de la Mise au Tombeau du Christ, sont représentatifs de la synthèse stylistique qui s’opéra à cette époque en Bourgogne entre les formes gothiques médiévales de l’art régional et les influences extérieures, venues notamment d’Italie, faisant de la Bourgogne une terre d’innovations artistiques permanentes. Joyeuses Pâques !

Dis moi 10 mots… de Stéphane Mallarmé

affiche francophonie Cette semaine, comme chaque année à la même période, nous célébrons la langue française et la francophonie ! Voici une belle occasion de plonger au cœur de notre langue et de s’attarder sur les mots d’un célèbre poète bourguignon, Stéphane Mallarmé.

Mallarmé, « prince des poètes »

Stéphane Mallarmé est né à Paris en 1842, mais c’est dans l’Yonne qu’il passe une partie de sa jeunesse. Elève au lycée de Sens, il développe un goût précoce pour la littérature et écrit ses premiers textes poétiques à l’âge de quinze ans ! Influencé par Victor Hugo, Théophile Gautier et Charles Baudelaire, le jeune élève apprend l’anglais pour lire Poe dans le texte. En 1863 il devient professeur d’anglais, un travail qui lui permet de vivre, mais guère de s’épanouir.

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Portrait de Stéphane Mallarmé, Edouard Manet, huile sur toile, 1876. Musée d’Orsay, Paris. ©RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

En 1862 Mallarmé publie ses premiers poèmes et rencontre sa future épouse à Sens. Les années 1860 sont une période féconde pour l’écrivain qui rédige ses textes les plus connus : L’après-midi d’un faune, Les Fleurs, L’Azur… Nommé professeur à Paris en 1871, le jeune écrivain perce les milieux littéraires de la capitale. Sa rencontre avec Edouard Manet en 1873 lui ouvre les portes des ateliers impressionnistes. Il se lie d’amitié avec Berthe Morisot et Julie Manet. Les années 1880 marquent sa reconnaissance dans le milieu littéraire. Il devient même le représentant de la littérature décadente avant d’être désigné chef de file du mouvement symboliste. Rejetant le réalisme de l’époque, il construit son langage poétique en usant de symboles et d’analogies pour dépasser la réalité visible par l’évocation d’idées abstraites et d’états d’âmes. Il devient « le prince des poètes » et reçoit l’élite intellectuelle de son temps dans son salon parisien du mardi.

Les poèmes-éventails

Durant les quinze dernières années de sa vie, Mallarmé produit un art original en inscrivant ses poèmes sur des éventails. Généralement destinés aux femmes qui l’entourent, ces poèmes courts mais ciselés sont dits « de circonstances », car offerts à des moments particuliers de la vie.

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Autre éventail de Mademoiselle Mallarmé, Stéphane Mallarmé, vers 1884, Coll. Musée Départemental Stéphane Mallarmé, Vulaines-sur-Seine. © Y.Bourhis DAPMD/CG77 – D.R.

L’éventail qu’il offre à sa fille Geneviève vers 1884, alors que la demoiselle est âgée d’une vingtaine d’années, est l’un de ses chefs d’oeuvre selon Paul Valéry. Le poème évoque toute l’affection de l’écrivain pour sa fille, avec qui il est très complice, et le passage de la jeunesse à l’âge adulte. Il faut dire que Mallarmé a toujours vécu entouré de femmes et semble fasciné par leur univers. Ici le fond poétique de l’oeuvre rejoint la forme délicate de l’éventail, accessoire féminin par excellence, indispensable compagnon des toilettes de l’époque.

Autre éventail de Mademoiselle Mallarmé, Stéphane Mallarmé

O rêveuse, pour que je plonge Au pur délice sans chemin, Sache, par un subtil mensonge, Garder mon aile dans la main. Une fraîcheur de crépuscule Te vient à chaque battement Dont le coup prisonnier recule L’horizon délicatement. Chaste jeu ! voici que frissonne L’espace comme un grand baiser Qui, de n’être éclos pour personne, Ne peut jaillir ni s’apaiser. Sens-tu le paradis farouche, Ainsi qu’un rire enseveli, Se couler du coin de ta bouche Au fond de l’unanime pli ! Le sceptre des rivages roses Stagnants sur les soirs d’or ! ce l’est, Ce blanc vol fermé que tu poses Contre le feu d’un bracelet.

Geneviève Mallarmé, Nadar, 1900
Geneviève Mallarmé photographiée par Nadar vers 1900

Voici un poème dont les mots, précis, riches et évocateurs, nous happent. Au delà des mots, ce sont des odeurs, des couleurs, des textures et même la chaleur que nous évoquent ces vers.

Le livre en Bourgogne

Célébrer la langue française, les mots et les écrits, revient à s’intéresser à la filière du livre en Bourgogne. En effet les industries culturelles subissent depuis plusieurs années déjà la concurrence d’internet, du livre numérique, mais également le poids des mutations économiques, sociales et culturelles qui modifient les pratiques liées au livre et à la lecture qui ne cessent de baisser. Selon une récente étude, la Bourgogne regroupe 124 librairies et plus de 800 bibliothèques publiques ! En amont, les auteurs sont nombreux dans la région, et l’on trouve également plusieurs dizaines de maisons d’éditions, mais peu vivent uniquement des revenus de leurs activités littéraires ! Alors lisons, et soutenons la filière du livre !

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Le marché aux livres à Cuisery (71), labellisé Village du livre.

Les villages du livre en Bourgogne

Signe de l’attachement de la région à son patrimoine littéraire et à la nouvelle création, la Bourgogne compte deux villes labellisées « Village du livre ». La Charité-sur-Loire dans la Nièvre et Cuisery en Saône-et-Loire regroupent chacune une quinzaine de professionnels du livre (libraires, bouquinistes et artisans des métiers du livre) qu’elles ont décidé de mettre en avant par une programmation culturelle tout au long de l’année. Le village de Cuisery propose ainsi des animations pour le Printemps des Poètes, une foire aux livres et un concours de nouvelles. La Charité-sur-Loire s’est fait connaître par son festival du mot organisé chaque année à la fin du mois de mai. Pendant cinq jours, tous les arts sont conviés pour célébrer la langue française. La ville organise également durant l’hiver un marché aux livres le troisième dimanche de chaque mois. Le centre culturel de rencontre actuellement en création aura pour but de prolonger le festival tout au long de l’année par différentes actions. Une balade des mots a même été mise en place. Sur les murs de la ville ou sur les vitrines des commerces, des citations d’écrivains de tous horizons ont été inscrites.

balade des mots
Une citation au détour d’une rue de La Charité-sur-Loire (58), Cité du mot.

Dis moi Dix mots

Chaque année le Ministère de la Culture met en avant 10 mots lors de la semaine de la francophonie. 10 mots auxquels on prend le temps de s’intéresser et de réfléchir en découvrant leur origine mais aussi leurs différents sens. En vous rendant sur le site vous pourrez découvrir cette année comment « amalgame » est un mot qui nous vient directement des alchimistes médiévaux, très utilisé aujourd’hui dans le langage politique, que « sérendipité » tire son inspiration d’un conte oriental, ou encore que le verbe « cibler », qui provient de l’univers des jeux d’adresse, s’est inspiré des stratégies de la guerre pour s’appliquer aux actions de publicité !

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Et vous, dites-moi un mot que vous aimez !

Semur-en-Auxois, une cité médiévale à découvrir

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Semur-en-Auxois en Côte-d’Or. Entrée de la ville par le pont Joly et vue sur les tours du donjon médiéval.

Les beaux jours reviennent, et avec eux, l’envie de flâner à la découverte des beaux villages bourguignons. Semur-en-Auxois, cité médiévale de Côte-d’Or, fait partie de ceux-là. Je vous propose une petite visite guidée à la découverte du cœur médiéval de la ville…

Sur le Pont de Semur…

L’arrivée à Semur-en-Auxois en voiture s’effectue par le pont Joly. Ce pont de pierre, construit à la fin du XVIIIè siècle, a permis de désenclaver la ville située au creux d’un méandre de la rivière Armançon, et d’en faciliter l’accès. L’ancienne entrée de la ville s’effectuait par la rue passant sous la Tour de l’Orle d’Or, construite au Moyen Age, et qui se dresse majestueuse au sommet de la ville. Il fallait emprunter l’ancien Pont des Minimes et payer l’Octroi, l’impôt sur les marchandises. Aujourd’hui c’est gratuit, alors gravissons la rue qui nous mène au centre de la ville, et remontons le temps…

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Semur-en-Auxois, vue sur le Pont des Minimes, l’ancien pont d’accès à la ville.

La légende d’Hercule à Semur-en-Auxois

Je vous propose de démarrer la visite devant l’Office de Tourisme (où vous trouverez un plan de la ville pour vous guider). Semur-en-Auxois se dresse sur un éperon rocheux de granit rose, résurgence du massif granitique du Morvan tout proche, dominant la vallée de l’Armançon. La légende veut que la ville ait été fondée par le héros mythologique Hercule, qui aurait creusé la roche à mains nues ! En effet, la position dominante du lieu en fait un site naturellement défensif très tôt investi par les hommes ! Occupé dès le néolithique, le site fut délaissé à l’époque gallo-romaine au profit du plateau d’Alésia tout proche. Il fallut attendre le Vè siècle pour que la vie y revienne et qu’une première chapelle soit construite.

Sine Muros

Le nom de Semur-en-Auxois provient de sine muros, qui signifie « vieille muraille » puisqu’une enceinte y fut dressée dés 722 pour protéger le castrum (ville fortifiée). Le plan de la ville prend la forme d’un huit. Le point de rencontre des deux boucles est occupé par le donjon qui défendait l’accès au castrum, situé sur la pointe de l’éperon rocheux, cœur politique et religieux de la cité. L’autre boucle est appelé Bourg Notre-Dame, c’était le cœur des activités économiques et le lieu de résidence et de travail des commerçants, entouré plus tard d’une seconde enceinte.

Entrée majestueuse dans la ville fortifiée

Pour entrer dans la partie fortifiée de la ville médiévale, il faut franchir la barbacane, ouvrage défensif situé en avant d’une porte pour protéger la ville. De chaque côtés sont maçonnées des bouches conçues pour de petits canons. Les arbalétriers prenaient place au sommet.

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La barbacane, à côté de l’Office de Tourisme de Semur-en-Auxois

On rejoint ensuite la porte Sauvigny. Désaxée de la barbacane pour un meilleur contrôle des entrées dans la ville, la porte a été construite en 1444 par Sauvigny, receveur des finances, pour renforcer la défense de la porte Guiller qui lui est adossée. Les rainures, de chaque cotés, indiquent la présence d’un système à bras et d’un pont levis. La plus petite rainure permettait d’abaisser une passerelle pour les piétons.

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Semur-en-Auxois, la porte Sauvigny

Sur la porte figure le blason de la ville. Composé d’une tour crénelée, symbole des villes fortifiées, de la couronne ducale du duché de Bourgogne, et des branches de laurier en signe de victoire, le blason de Semur-en-Auxois atteste des liens rapprochés de la ville avec le Duché de Bourgogne, qui avait pour capitale Dijon. La ville fut même le siège du bailliage de l’Auxois, doté de l’autorité administrative et judiciaire au nom du Duc de Bourgogne, sur les quatre-vingt seize paroisses alentours. La statue de Sainte-Anne éduquant la Vierge qui prend place sous le porche était le lieu de prière des semurois qui espéraient être protégés des ravages de la peste.

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Le blason de Semur-en-Auxois sur la porte Sauvigny
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Statue de Sainte-Anne éduquant la Vierge

« Les semurois se plaisent fort en l’accointance des estrangers »

Telle est la devise de la ville, inscrite sous le porche, et qui vous souhaite la bienvenue dans la tradition de la loi Burgonde du VIè siècle qui instaura la légendaire hospitalité bourguignonne !

Au revers de la porte Sauvigny se trouve la porte Guillier, plus ancienne, construite à la fin du XIIIè siècle ou au début du XIVè siècle. Elle présente une façade élégante et élancée, typique de la période, composée de baies géminées (jumelles) surmontées d’arcs trilobés (en forme de trèfle).

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Vue sur la porte Guillier et la tour des Gouverneurs de la ville

A gauche de la porte se trouve une tour renaissance, vestige de la maison des gouverneurs de la ville, surmontée d’un toit en tuiles vernissées. Cet élément remarquable atteste de la présence d’un riche monument ! Il faut dire que l’entrée d’une ville fortifiée est un point stratégique où s’affichait le pouvoir tant vers l’extérieur pour effrayer l’ennemi, que vers l’intérieur pour freiner toute volonté de rébellion des habitants. La tour est classée Monument Historique depuis 1923.

Le bourg Notre-Dame

Le Bourg Notre-Dame, lieu de résidence et de commerce de la ville, nous livre encore des vestiges médiévaux. Dans la rue qui mène à l’Eglise on observe des façades de maisons ornées de gargouilles réemployées, provenant de l’église, mais aussi un puits, source d’eau unique au Moyen Age et indispensable pour tenir un siège, ainsi que quelques cadrans solaires.

Les maisons à pans de bois sont l’habitat traditionnel au Moyen Age et sont encore nombreuses dans cette partie de la ville. Le premier niveau est construit en pierre, pour assurer la solidité des fondations mais aussi pour éviter la propagation des incendies d’une maison à l’autre. Les étages supérieurs sont construits à partir de pans de bois (poutres) comblés par du torchis (terre argileuse additionnée de fibres végétales ou animales). Sur certaines maisons les poutres forment des X. Ce motif, appelé croix de saint-André, est caractéristique de la Bourgogne ! Il est fréquent que le premier étage avance sur la rue par rapport au rez-de-chaussée. Cet encorbellement permet aux habitants d’économiser sur l’impôt qui est versé en fonction de l’espace occupé au sol, il est utile pour jeter les ordures par la fenêtre dans le caniveau qui coule au centre de la chaussée, et il permet aux passants de s’abriter en cas d’intempérie. Cela est d’autant plus précieux que le rez-de-chaussée des maisons est généralement occupé par une boutique ! Afin de conserver au mieux ces vestiges médiévaux, 80% de la ville est aujourd’hui classé secteur sauvegardé.

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Une maison à pans de bois dans le bourg Notre-Dame à Semur-en-Auxois

L’église Notre-Dame

Le centre de la ville est occupé par l’église ouverte sur une place, qui était au Moyen Age investie par la halle du marché. Un premier édifice roman avait été construit par les moines de l’abbaye de Flavigny vers 1010. En 1154 l’église devint la paroisse de la ville. Au XIIIè siècle l’accroissement des fidèles entraina la construction d’une nouvelle église plus grande. Les travaux débutèrent par le choeur vers 1220 dans un style gothique et s’achevèrent par le porche vers 1470, dans un gothique plus flamboyant. Le porche de l’édifice a été martelé à la révolution. De nombreuses sculptures ont ainsi disparues mais l’architecte Eugène Viollet-le-Duc s’y est intéressé lors de son séjour en Bourgogne et procéda à sa restauration. Elle fut classée Monument Historique en 1840. Deux coquilles d’escargots, emblème de la Bourgogne, mais qui évoquent ici l’éternité, sont cachées sur la façade…

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L’église Notre-Dame de Semur-en-Auxois

En pénétrant à l’intérieur de l’édifice gothique, on peut encore observer de belles œuvres, notamment dans les chapelles du collatéral nord : un tableau sur bois du XVIè siècle évoquant la généalogie du Christ par la représentation de l’Arbre de Jessé, ainsi qu’une sculpture de la Mise au tombeau du Christ datée du XVè siècle, et attribuée à l’atelier d’Antoine le Moiturier, imagier à la cour des Ducs de Bourgogne ! Ces œuvres remarquables feront l’objet de prochains articles détaillés.

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Mise au tombeau du Christ, XVè siècle, Eglise Notre-Dame de Semur-en-Auxois, atelier d’Antoine le Moiturier

La petite chapelle des drapiers vaut le détour ! Depuis que les corporations ont vu le jour au XIIIè siècle, régissant les différents corps de métiers, certaines d’entre elles possèdent leur propre chapelle au sein de l’église de Semur-en-Auxois. Chargées de les entretenir et de les décorer, les chapelles attestent encore aujourd’hui de la puissances de ces corporations dans la cité, notamment celle des drapiers. La chapelle est fermée par une grille en fer forgé coiffée de chardons, à partir desquels sont fabriqués les peignes à carder, et symbole de la profession. Les vitraux du XIVè siècle, montrant les étapes de fabrication des draps de laine, sont un rare exemple d’iconographie non religieuse. En haut, saint Blaise, le patron des drapiers, se trouve dans le médaillon central. Comme des bulles de bande dessinée, les autres parties du vitrail nous montrent le ramassage de la laine, la préparation de la laine débarrassée de ses impuretés et dessuintée, la formation des écheveaux, le tissage, puis le foulage et le lainage pour redresser les fibres et leur donner un aspect duveteux, et enfin la tonte pour couper les fibres avec des forces (grands ciseaux métalliques).

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Le vitrail des drapiers, Eglise Notre-Dame de Semur-en-Auxois

La chapelle suivante est celle des bouchers, puissante confrérie de la ville. Il subsiste encore deux médaillons d’origine des vitraux. Sur le premier le bœuf est assommé avec la hache retournée tandis que le second montre le découpage de la viande sur l’étalage de la boutique.

Le portail des Bleds

En ressortant de l’église je vous invite à en faire le tour afin de voir le très beau tympan sculpté du XIIIè siècle du portail nord appelé « la porte des Bleds » car il ouvrait au Moyen Age en direction des champs de blés. Ayant échappé au vandalisme révolutionnaire, c’est une œuvre de référence pour la sculpture bourguignonne du XIIIè siècle ! Le portail était surmonté d’un porche qui fut abattu en 1705 à la demande des habitants car il gênait la circulation jusqu’au cimetière, situé à l’arrière de l’église. Il servait de porte d’entrée aux fidèles dans l’église.

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Tympan sculpté du portail des Bleds, Eglise Notre-Dame de Semur-en-Auxois, XIIIè siècle.

Les scènes du tympan, qui se lisent de haut en bas et de gauche à droite et de droite à gauche, relatent l’épisode de la crédulité de St Thomas et se déroulent sous la protection du Christ bénissant placé au sommet de la composition. Cette iconographie est très rare sur les tympans au XIIIè siècle, ce qui en fait toute son originalité ! En haut à gauche le Christ ressuscité apparaît à Thomas et lui confie l’évangélisation des Indes. Thomas rencontre ensuite l’intendant du roi des Indes Gondorfus, en quête d’un architecte pour construire son palais. Il accepte la mission et voyage en bateau jusqu’à la cour du roi. A son arrivée il assiste à un banquet. L’apôtre, refusant de manger, est giflé par un serviteur. Selon la prédiction de Thomas sa main est déchiquetée et rapportée par un chien (sous la table). Face à ce prodige, le roi confie sa fortune à Thomas pour construire le palais. Au lieu de cela, Thomas réunit les mendiants et distribue la fortune du roi contenue dans une corbeille. Il est alors emprisonné. Mais un songe contraint le roi à libérer Thomas et à implorer son pardon. L’apôtre lui montre alors le palais céleste qu’il a construit pour lui en récompense de son aide aux pauvres.

Aux voussures (autour du tympan) sont sculptés les travaux des douze mois de l’année qui scandent la vie des paysans, caractéristique des tympans romans ! Par ailleurs, les sculptures du tympan sont représentatives du style bourguignon du XIIIè siècle par le souci d’individualisation des visages, le soin apporté aux drapés, le goût de la narration et l’aspect décoratif qui sont une synthèse entre les modèles parisiens novateurs hérités de Notre-Dame, et un style antiquisant traditionnel hérité d’autres édifices Bourguignons !

En route vers le donjon

En descendant la rue face à la collégiale on se dirige vers le donjon ! À gauche part une petite ruelle qui descend et mène à la Porte des Cicogniers (des cigognes). Un escalier de cent quarante-et-une marches permet de rejoindre la ville basse qui était principalement agricole et artisanale. Dans la même rue on peut remarquer l’ancien système d’éclairage de la ville : une lanterne avec une poulie.

Donjon
Carte postale ancienne du donjon de Semur-en-Auxois

Le donjon, emblème de Semur-en-Auxois, est un ensemble de quatre tours reliées entre elles par d’épaisses courtines (murailles aménagées à l’intérieur par des couloirs de circulation et des espaces de vie). Cet édifice emblématique fut construit au XIIIè siècle, au moment où la ville fut dotée par le Duc de Bourgogne de la Charte Communale qui autorisait les habitants à élire leur gouverneur et ses échevins, dotant la ville d’une certaine autonomie tout en maintenant l’autorité ducale. Le terme « donjon » est une appellation impropre. L’édifice devrait plutôt s’appeler château ! Mais le terme était déjà utilisé pour désigner la partie fortifiée de la ville par les remparts (le castrum). Il est composé de quatre tours : la tour de l’Orle d’or, la tour de la prison, la tour de la Géhenne, et la tour Margot.

Les courtines ont été abattues sur ordre d’Henri IV au début du XVIIè siècle, afin d’éviter tout nouveau siège des habitants suite aux guerres de religion qui déchirèrent la France au siècle précédent. La destruction des courtines a fragilisé l’ensemble de la structure et a provoqué l’immense fissure qui parcourt de haut en bas la Tour de l’Orle d’Or. Le Donjon était équipé d’un pont levis et d’un fossé à eau sous la rue actuelle. Il constituait l’ancienne entrée de la ville. Le mur d’enceinte qui entourait le quartier du château comprenait seize à dix-huit tours, dont certaines sont encore visibles dans les fondations des maisons et des hôtels particuliers. Reflet de la puissance ducale, le donjon abritait le logis du baillis, installé dans la tour carrée et la courtine attenantes à la tour de la prison, qui ont disparues aujourd’hui.

Une vue à couper le souffle

Vous pouvez admirer la vue sur le paysage de chaque côtés du Donjon, au niveau du théâtre et de la Tour de l’Orle d’Or. Sur la rive gauche se déploient des plateaux nommés « chaumes » qui furent utilisés au fil des siècles comme terres agricoles et viticoles, puis pour l’élevage. A l’est, la ville est rattachée au plateau calcaire. La ville basse se compose des faubourgs réservés à l’artisanat et aux activités qui nécessitaient l’utilisation de l’eau de la rivière. Tanneries, boucheries, draperies y prenaient place ainsi que des moulins, foulons, lavoirs… En contrebas, le bâtiment doté d’une grande cheminée est une ancienne tannerie !

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Le quartier du château

En continuant sa route après le Donjon on entre dans le quartier du château, qui était protégé par la première enceinte fortifiée de la ville. Le quartier du château était le lieu de résidence des familles les plus aisées, nobles et riches bourgeois. Les grands hôtels particuliers ont remplacé, dés le XVIè siècle, les maisons médiévales à pans de bois ou en pierre pour les plus riches ! Au XVIIIè siècle, l’effervescence intellectuelle du quartier, avec la présence de l’hôtel particulier d’Emilie du Châtelet, dans lequel elle reçut son amant Diderot, lui valut le surnom de « Petite Athènes de la Bourgogne ».

En poursuivant votre chemin jusqu’au bout de l’éperon rocheux, vous pourrez flâner sur les promenades aménagées sur les fondations des anciens remparts…

A voir, à faire à Semur-en-Auxois

L’Office de Tourisme organise des visites guidées costumées de la ville. En saison un petit train touristique vous fait découvrir ses extérieurs. Le musée municipal mérite le détour. Il possède de belles sculptures provenant des édifices religieux de la ville et retrace son évolution. La Tour de l’Orle d’Or abrite aujourd’hui le curieux musée de la Société des Sciences de Semur-en-Auxois et des visites guidées y sont organisées.

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La tour fissurée de l’Orle d’Or, siège du musée de la société des sciences de Semur-en-Auxois

Improvisation Tellem, une oeuvre rugueuse sur le campus de Dijon !

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Improvisation Tellem, Alain Kirili, 2000, quatorze blocs de pierre de Corton, Carrières de Nuits Saint-Georges, 5×2,80x7m, 153 tonnes, Esplanade Erasme, Campus de l’Université de Dijon, dépôt du Ministère de la Culture et de la Communication.

Le campus de l’Université de Dijon recèle quelques pépites, des œuvres d’art contemporain offertes à la vue des passants dans l’espace public. Le sculpteur français Alain Kirili a produit l’une d’entre elles : Improvisation Tellem.

Des quotas pour l’art contemporain

La sculpture monumentale d’Alain Kirili a été installée dans le cadre du 1% artistique sur l’esplanade Erasme du campus de l’Université de Dijon. Cette loi de 1951 entraîne l’obligation de décoration des constructions publiques. Un pour cent du budget de construction ou de rénovation d’un édifice doit être consacré à une commande d’œuvre d’art passée à un artiste vivant, et spécifiquement conçue pour le lieu. Ce dispositif vise à soutenir la création et à sensibiliser le grand public à l’art contemporain. Mais la rencontre n’est pas toujours aisée, et la compréhension parfois difficile entre le public et l’œuvre.

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Improvisation Tellem, Alain Kirili. © Vincent Arbelet

Tellem, une œuvre d’art ?

Improvisation Tellem est la preuve du dialogue parfois interrompu entre l’art et la rue. Cette sculpture monumentale prend place sur le campus de Dijon, devant la faculté de Droit et Lettres. Elle réunit en cercle sept volumes composés de deux blocs de pierre quadrangulaires érigés verticalement, l’un servant de socle à l’autre. Mais ce n’est pas la première œuvre que l’artiste réalisa pour le campus… En 1992 il avait été invité à produire une première sculpture monumentale intitulée Hommage à Max Roach, Calvaire. Composée elle aussi de blocs de pierre de Bourgogne, l’œuvre fut démontée en 1999 pour cause de travaux. Gênant l’avancement du chantier, la sculpture, probablement considérée par les entrepreneurs comme de simples blocs de pierre, fut détruite au bulldozer. Il faut dire que disposer une telle œuvre dans l’espace public est un défi. Loin des vitrines muséale elle doit résister seule aux vicissitudes du climat et affronter les tagueurs. Une bonne médiation s’impose donc pour dévoiler aux passants ses trésors cachés. Et Kirili se remit au travail pour proposer une nouvelle œuvre.

Kirili, un artiste multiple

Alain Kirili est un sculpteur français né à Paris en 1946. A 19 ans il fit son premier voyage aux États-Unis et découvrit l’art américain. Il se passionna pour l’Expressionnisme abstrait et particulièrement pour les œuvres de Barnett Newman. Kirili développa alors une sculpture abstraite basée sur la verticalité. Son travail, à l’opposé du conceptualisme ambiant, repose sur la sensualité des matériaux qui incarnent pour lui les origines de la vie et de l’art. Il travaille en effet des matériaux traditionnels tels que le métal, la pierre et le bois et utilise des méthodes ancestrales comme la taille directe ou le modelage. Par son travail, il tente de renouer avec les fondements de l’art. Le geste de l’empilement en est l’une des bases. Très inspiré par ses nombreux voyages dans le monde, notamment en Inde et en Afrique, Kirili est un artiste profondément humaniste. Depuis les années 1980 il réalise des œuvres monumentales conçues pour l’espace public. Loin d’impressionner et d’écraser le spectateur, ses œuvres invitent à la déambulation, à l’exploration et au toucher, et constituent de véritables lieux de vie et de rencontre entre les gens, les peuples et les arts…

Étymologie d’une œuvre

Improvisation Tellem est elle aussi conçue comme un lieu de rencontre et d’échange offrant une pause méditative sur le campus de l’Université de Dijon. Nombreux sont les étudiants qui vienne s’y reposer, lire ou discuter à l’ombre des blocs de pierre dès les beaux jours venus.

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Architecture traditionnelle Tellem et Dogon, Falaises du Bandiagara, Pays Dogon, Mali.

Alors que l’œuvre paraît hermétique au premier abord, dressant ses blocs de pierre brut, elle est riche de multiples références ! Son titre nous donne quelques pistes de compréhension. « Tellem » par exemple est un peuple ancestral du Mali vivant dans les falaises du Bandiagara, un vaste paysage culturel regroupant 289 villages sur 200 kilomètres de falaises, de plateaux gréseux et de plaines. Le site est aujourd’hui inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO tant pour son paysage exceptionnel que pour ses traditions culturelles. Site défensif par excellence, les premières traces d’occupation de ces falaises remontent au IIIè siècle avant Jésus-Christ, mais c’est probablement au XIè siècle que le peuple Tellem s’y installa. Leurs habitations, reconnaissables à leur architecture géométrique rappelant les blocs de pierre de Kirili, épousaient parfaitement le relief naturel, et furent bâties à flanc de falaise. Chassés au XVè siècle par l’arrivée du peuple Dogon, les Tellem se retirèrent. Leurs habitations furent réutilisées par leurs envahisseurs et transformées le plus souvent en cimetière. Kirili s’en inspira pour dresser ses blocs de pierre immenses comme des totems et évoquant tout un monde des origines, où les traditions, la danse, les chants et les rencontres étaient au centre de la vie des peuples.

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Architecture Tellem et Dogon, Falaises du Bandiagara, Mali.

Musique s’il vous plaît !

Alain Kirili, comme le peintre russe du début du XXè siècle Vassily Kandinsky, établit dans ses œuvres de multiples correspondances et nourrit un dialogue entre art et musique. En considérant l’œuvre d’art comme un tout, il saisit l’occasion de proposer une expérience totale mêlant plusieurs sens. Outre la vue et le toucher, propres à l’art de la sculpture, Kirili sollicite également l’ouïe. L’artiste associe en effet très souvent la musique à ses œuvres dans des performances musicales et dansées. La sculpture détruite Hommage à Max Roach, Calvaire était déjà dédiée à la mémoire d’un grand musicien de jazz américain !

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Résistance, Alain Kirili, Grenoble. Danse5, chorégraphie de Jean-Claude Gallota interprété par les élèves du Conservatoire Régional. © Ariane Lopez-Huici.

Kirili tisse des liens entres ses œuvres et la musique Jazz, caractérisée par la légèreté et les improvisations des partitions ouvertes. Guidés par leur instrument et par le hasard, les musiciens de free jazz ont inspiré à l’artiste sa méthode qui allie monumentalité et spontanéité du geste artistique. Une prouesse en somme qui confère à ses œuvres une impression de jaillissement. Ses compositions ne sont pas définies à l’avance. Le bras de la grue qui dépose ses blocs de pierre sur le sol agit comme la continuité de sa propre main. Il appelle cette méthode de création le « dripping monumental » puisqu’il laisse choir sur le sol des blocs de pierre de plusieurs tonnes, comme Jackson Pollock laissait goutter directement sur la toile la peinture du pinceau ! Le titre de l’œuvre fait également écho au concert de Jérôme Bourdellon, « Improvisation du souffle et de la pierre ». La forme syncopée des blocs de pierre n’est pas sans rappeler le rythme effréné de la musique jazz.

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Jackson Pollock dans son atelier en pleine création d’une oeuvre par la méthode du « dripping » dont il est l’inventeur.

« Une abstraction incarnée » par le Corton Rose de Bourgogne

La relation charnelle qui s’établit à l’œuvre est facilitée par la sensualité du matériau utilisé : la pierre de Bourgogne. Il s’agit plus précisément de la Corton rose, une pierre provenant des carrières de Nuits-Saint-Georges en Côte-d’Or, de couleur beige rosé et qui rappelle la couleur de la chair. L’artiste l’a choisie pour sa capacité à susciter l’empathie du spectateur et l’utilise dans ses œuvres monumentales comme Hommage à Charlie Parker, installée Avenue de France à Paris ou Résistance à Grenoble depuis 2011. Kirili revendique la « simplicité organique » de ses sculptures monumentales dans un désir de renouer avec les fondements de l’humanité et de ne pas céder aux sirènes du kitsch. Les trois œuvres participent d’une même écriture dont le module de base serait le bloc de pierre rose de Bourgogne tantôt brut et rugueux, tantôt taillé et lisse, jouant sur les effets de matière. L’utilisation de ce matériau évoque d’ailleurs à l’artiste une certaine sensualité, une volupté voire une ivresse, à l’image du vin de Bourgogne auquel elle donne son goût minéral.

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Hommage à Charlie Parker, Alain Kirili, 2007, pierre de Bourgogne, 3x15x12m, Paris 13è. © Lecat_EosN-6531

« Ce qui me touche, et que je revendique avec fierté, c’est la relation du minéral, de la pierre, avec le vin. […] Je dois dire aussi que j’ai pris conscience avec ma sculpture pour Grenoble que non seulement le Rose de Bourgogne est charnel, mais il donne aussi son goût minéral au vin. Ce terroir, qui en Bourgogne s’appelle un “climat”, me permet de dire que je bois le vin de la pierre de ma sculpture. »

Les œuvres d’Alain Kirili sollicitent les sens. En puisant ses matériaux, ses techniques et ses thèmes aux fondements de l’humanité, Kirili parvient à créer un art charnel et organique qui renoue avec la vie !