Saint-Fargeau en Puisaye, un château en son village. Et un spectacle son et lumière qui retrace 10 siècles d’histoire…

vue de St-Fargeau ©Mairie de Saint-Fargeau
Saint-Fargeau en Puisaye. ©Mairie de Saint-Fargeau

1000 ans d’histoire

A Saint-Fargeau, capitale de la Puisaye, se cache un beau village médiéval couronné par son château de brique roses. Son ancien nom, Ferrolas, fait référence au fer présent dans le grès ferrugineux du sol. La Puisaye était, aux périodes celtes et gallo-romaines, un haut centre de l’industrie du fer.

Mais c’est au Xè siècle que l’histoire du village commence vraiment. Héribert, évêque d’Auxerre et frère illégitime du roi Hugues Capet, fait construire un relai de chasse fortifié à Saint-Fargeau. Mais lorsque Saint-Fargeau obtient son indépendance au XIè siècle, le château passe aux mains de la puissante famille des Seigneurs de Toucy. C’est aux six seigneurs successifs de la dynastie que l’on doit la construction des premières mottes féodales dans l’actuel parc du château.

Une succession de grandes familles

Vers 1250, la dernière héritière des Toucy épouse Thibaut, Comte de Bar. Saint-Fargeau entre dans une période faste. Mais la Guerre de Cent ans opposant français et anglais éclate (1338- 1453). La guerre fait rage et le château est disputé entre les troupes anglo-bourguignonnes et les Orléans. En 1420 les Anglais alliés aux Bourguignons attaquent St-Fargeau au canon, ouvrent une brèche dans la muraille et prennent le château.

A la fin de la guerre le château revient à la famille de Bar, ruinée, qui hypothèque le château contre un prêt de 2000 écus d’or au Sire de la Trémouille, favori du roi Charles VII. Le château est finalement vendu en 1450 à Jacques Coeur, grand marchand, et grand argentier du roi. Sa devise « A vaillant cœur rien d’impossible » deviendra celle de Saint-Fargeau. Le roi en personne lui a emprunté de l’argent pour soulever l’armée qui libéra le pays des Anglais. Pour effacer les dettes envers Jacques Coeur, on complote en secret pour le discréditer. Il est arrêté en 1451 après un faux procès mené par Antoine de Chabannes, capitaine de l’armée royale, qui obtient en 1456 la seigneurie de St Fargeau. Jacques Coeur s’exile en Italie et meurt quelques mois plus tard lors d’une croisade menée pour le Pape contre les Turcs.

Du château médiéval à la forteresse militaire moderne…

Antoines de Chabannes, ancien écorcheur qui a parcouru le royaume et vandalisé les populations, devient baron de Saint-Fargeau. Son zèle auprès de Charles VII lui vaut bientôt la haine du dauphin, futur Louis XI, qui l’emprisonne. Son évasion spectaculaire en 1464 lui permet de revenir à Saint-Fargeau et de reprendre de force le château des mains du fils de Jacques Coeur auquel il avait pourtant été rendu.

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Entrée du château de Saint-Fargeau. ©Amandine Chevallier

A partir de 1467 il entreprend la reconstruction du vieux château fort qu’il transforme en une puissante forteresse de défense militaire, commençant par la grosse tour qui porte le nom de Jacques Coeur. Il réutilise l’ancien château fort du XIIIè siècle en grès ferrugineux de plan pentagonal qu’il habille d’un parement de briques rouge, et recouvre de toitures pointues en ardoises. Le château devient un modèle de l’architecture militaire du XVè siècle. Il est agrémenté de 6 tours d’angles munies d’archères. La base des tours est équipée de galeries de contre-mines percées de canonnières. Ces galeries permettaient à la fois d’écouter d’où provenait l’attaque et servaient de vase d’expansion au souffle de l’explosion pour ne pas fragiliser les maçonneries.

au château d’apparat de la Grande Mademoiselle

La petite fille de Chabannes héritière de St Fargeau épouse René d’Aujou, grand seigneur. Avec la famille d’Anjou, Saint-Fargeau est transformé en une riche demeure seigneuriale. La façade extérieure qui relie le donjon aux deux tours d’entrée est construite. C’est bientôt à Marie-Louise d’Orléans, Duchesse de Montpensier, appelée ironiquement la Grande Mademoiselle, d’hériter du château. Cette riche héritière est la fille de la duchesse de Montpensier et du duc d’Anjou, mais aussi cousine de Louis XIV. Elevée à la cour, elle mène une vie de femme indépendante et refuse plusieurs mariages. Rebelle et libre, elle participe à la seconde fronde des princes entre 1650 et 1653, révolte des puissants contre la politique fiscale de Louis XIV et Mazarin. Lorsque le roi parvient à écraser la révolte, La Grande Mademoiselle est exilée de la cour et se réfugie à St-Fargeau, à trois jours de voyage de Paris en carosse, où elle espère recevoir ses amis.

Tour de la chapelle ©Christophe.Finot
Grand Perron de la Tour de la Chapelle. ©Christophe Finot

Arrivée à St-Fargeau en pleine nuit après un long voyage, la Grande Mademoisele découvre un château en ruine, sans portes ni fenêtres, des herbes folles plein la cour. Elle entame une grande campagne de six années de travaux avec l’architecte Louis le Vau.La cour d’honneur est agrandie dans un style classique symétrique alternant la brique rose et les pierres blanches qui encadrent les grandes baies de la façade. Elle aménage un grand perron semi-circulaire au pied de la tour de la chapelle et fait coiffer les tours de lanternons de style italiens. Les toitures sont refaites à la Mansard (comble brisé dont chaque versant a deux pentes). A l’intérieur elle décore les pièces de lambris et de parquets et aménage même un théâtre dans l’une des tours. La grande salle des gardes est transformée en salle de réception où la cour parisienne se presse bientôt. On y croise Madame de Sévigné et Lully. La forêt est transformée en parc à la française.

La mystérieuse disparition du tableau de David

A sa mort le domaine est vendu plusieurs fois et acheté au début du XVIIIè siècle par la famille Lepeltier des Forts, occupant de hautes fonctions dans la justice et les finances de l’Etat. L’aile des Forts, qui relie les tours d’entrée à la tour de l’Horloge, est édifiée à cette époque. Mais en1752 un grand incendie, parti du four du boulanger dans le bourg, ravage les trois quart du château et de la ville. Il ne reste rien des appartements de la Grande Mademoiselle.

Le petit fils, Louis Michel Lepeltier hérite de la charge d’avocat et est nommé représentant de la noblesse aux Etats Généraux de 1789. Défenseur du peuple contre le royalisme il participe au vote décisif lors du procès de Louis XVI qui déclare le roi coupable. Le roi est condamné à la peine de mort à une seule voix de majorité, voix attribuée par la légende à Lepeltier ! Quelques heures seulement après le vote, il est assassiné alors qu’il dine au Palais Royal. Rapidement considéré comme le 1er martyr de la République, il fait l’objet de funérailles nationales. Le célèbre peintre David lui rend hommage, et réalise un tableau de Lepeltier Assassiné. Le tableau est exposé à la Convention pendant 2 ans aux côtés de son autre chef d’oeuvre L’Assassinat de Marat. En 1795 le tableau est décroché et rendu à David. La fille unique de Lepeltier, Suzanne de Mortefontaine, fervente royaliste cherchant à effacer les actes de son père, rachète aux descendants de David le tableau. Malgré le contrat avec les héritiers qui l’engage à ne pas détruire le tableau, celui-ci disparaît alors. Aurait-il, comme le dit la légende, été emmuré dans le château de Saint-Fargeau ?

La Renaissance d’un monument

En 1979 c’est Michel Guyot et son frère, passionnés de patrimoine, qui rachètent finalement le vieux château en ruine et font le pari de le restaurer et de l’ouvrir au public. Aujourd’hui le château est un fleuron du patrimoine local. Il est ouvert à la visite en saison. Chaque été des centaines de figurants et bénévoles font revivre mille ans d’histoire à travers un spectacle son et lumière qui prend place dans le parc du château, face à l’étang, à la nuit tombée, tous les vendredis et samedis soirs.

A l’ombre de son château millénaire, le bourg médiéval recèle aussi quelques trésors.

L’église du XIIIè siècle

Construite en 1250 à l’occasion du mariage de Jeanne de Toucy avec Thibault de Bar, l’église a été classée monument historique au début du XXè siècle. La façade du XIIIè siècle est bâtie en grès ferrugineux, la pierre locale. Elle possède trois portails ornés de colonnettes et de chapiteaux à feuillages rappelant le style corinthien. Au tympan central est peinte la devise des seigneurs successifs de Saint-Fargeau « A cœur vaillant rien d’impossible ». Une grande rosace, inscrite dans un carré, orne le pignon central.

église Saint-Férréol de Saint-Fargeau
Eglise Saint Férréol de Saint-Fargeau, XIIIè siècle

En façade d’une maison de la rue de l’Eglise vous pourrez voir une plaque commémorant le passage de Jeanne d’Arc à Saint-Fargeau en février 1929 lorsqu’elle se rendit à Chinon auprès du Dauphin de France Charles VII. Elle serait venue se recueillir dans l’église.

Les vestiges de la porte de Bourgogne et la ville fortifiée

A l’angle de la rue de l’Eglise et de l’avenue de Puisaye, à l’emplacement du stop actuel se trouvait la porte de Bourgogne. Une tour arrondie subsiste encore. Au Moyen Age, Saint-Fargeau était entouré d’une double enceinte de remparts permettant de protéger le village. La première enceinte de la ville date du XIIè siècle. La seconde, plus grande et enveloppant la première, date du XVè siècle. La ceinture externe comprenait 4 portes fortifiées, dont la porte de Bougogne qui s’ouvrait au sud est du village. Les enceintes ont été détruites au XVIIIè et XIXè siècles car devenues inutiles.

Tout près du château, à l'entrée du centre ville trône le beffroi. Ancienne porte de la ville, le beffroi est le vestige de l'enceinte de St-Fargeau édifiée au XVe siècle. Elle disposait d'un pont levis pour laisser passer les attelages et d'une passerelle pour les piétons. Au XVIIe siècle cette porte étant devenue centrale par l'annexion des faubourgs de la ville, elle a alors subi des modifications : elle reçut une toiture en ardoise, et fut convertie en beffroi et en prison. Sur sa façade Est, on peut observer la tourelle hexagonale de l'escalier qui donne accès aux quatre niveaux. Les deux premiers étaient réservés aux cellules. Le clocher abrite la plus vieille cloche de Puisaye, datée de 1502.

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Le cimetière et la chapelle Sainte-Anne

Au cœur du cimetière se dresse la chapelle Sainte-Anne, édifiée aux XVè et XVIè siècles. Les murs de la nef et de l’abside sont ornés de peintures murales typiques de Puisaye (voir article sur les peintures murales de Puisaye) qui représentent la Passion du Christ en onze épisodes qui donne l’impression d’une tapisserie tendue. Les œuvres sont de style gothique finissant. Deux autres épisodes évoquent la généalogie de la vierge et le « Dict des 3 morts et des 3 vifs ». Ce dernier récit est représenté plusieurs fois dans les édifices de la région (voir article sur La Danse Macabre de la Ferté-Loupière). Son origine remonte aux textes macabres médiévaux qui racontent que trois jeunes nobles revenant de la chasse rencontrèrent au détour d’un chemin trois morts échappés de leur tombes, leur rappelant leur fin prochaine. Pour voir ces peintures, n’oubliez pas de retirer les clés de la chapelle préalablement à l’Office de Tourisme.

Bonne visite et beau spectacle au château de Saint-Fargeau !

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